ACTE III - SCÈNE VI



(La prison.)
(PÈRE UBU, enchaîné ; PISSEDOUX)

Père Ubu
Hé, Pissedoux, mon ami ! te voilà sans abri, courant les chemins avec tes trois va-nu-pieds. Tu viens mendier des secours au coffre de nos phynances. Tu n'auras même pas celui de la diligence pour ta nuit de noces avec mademoiselle Pissembock. Elle est libre aussi, elle n'a d'autre prison que son oncle, ce n'est pas très imperméable quand il pleut. Regarde, moi je ne sors pas, j'ai un joli boulet à chaque pied, et je n'irai pas les rouiller à l'humidité, bien sûr, parce que, ne reculant devant aucune dépense, je les ai fait nickeler !

Pissedoux
Ah ! c'est trop fort, Père Ubu ! Je vais vous prendre pur les épaules et vous arracher de cette coquille.

Père Ubu
Votre liberté est trop simple, mon bel ami, pour faire une bonne fourchette à escargot, instrument bifide. Et je suis scellé dans la muraille. Bonne nuit. Les becs de gaz s'allument dehors par nos ordres au cas où la comète que vous filerez — nous le savons par notre science en météorologie — ne serait point un astre suffisant. Vous verrez très loin dans le froid, la faim et le vide. Il est l'heure de notre repos. Notre geôlier va vous congédier.

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