ACTE V - Scène première



(GALBA, CAMILLE, RUTILE, ALBIANE.)

Galba
Je vous le dis encor, redoutez ma vengeance,
Pour peu que vous soyez de son intelligence.
On ne pardonne point en matière d'État :
Plus on chérit la main, plus on hait l'attentat ;
Et lorsque la fureur va jusqu'au sacrilége,
Le sexe ni le sang n'ont point de privilége.

Camille
Cet indigne soupçon seroit bientôt détruit,
Si vous voyiez du crime où doit aller le fruit.
Othon qui pour Plautine au fond du cœur soupire,
Othon qui me dédaigne à moins que de l'empire,
S'il en fait sa conquête, et vous peut détrôner,
Laquelle de nous deux voudra-t-il couronner ?
Pourrois-je de Pison conspirer la ruine,
Qui m'arrachant du trône y porteroit Plautine ?
Croyez mes intérêts, si vous doutez de moi ;
Et sur de tels garants, assuré de ma foi,
Tournez sur Vinius toute la défiance
Dont veut ternir ma gloire une injuste croyance.

Galba
Vinius par son zèle est trop justifié.
Voyez ce qu'en un jour il m'a sacrifié :
Il m'offre Othon pour vous, qu'il souhaitoit pour gendre ;
Je le rends à sa fille, il aime à le reprendre ;
Je la veux pour Pison, mon vouloir est suivi ;
Je vous mets en sa place, et l'en trouve ravi ;
Son ami se révolte, il presse ma colère ;
Il donne à Martian Plautine à ma prière :
Et je soupçonnerois un crime dans les vœux
D'un homme qui s'attache à tout ce que je veux ?

Camille
Qui veut également tout ce qu'on lui propose,
Dans le secret du cœur souvent veut autre chose ;
Et maître de son âme, il n'a point d'autre foi
Que celle qu'en soi-même il ne donne qu'à soi.

Galba
Cet hymen toutefois est l'épreuve dernière
D'une foi toujours pure, inviolable, entière.

Camille
Vous verrez à l'effet comment elle agira,
Seigneur, et comme enfin Plautine obéira.
Sûr de sa résistance, et se flattant peut-être
De voir bientôt ici son cher Othon le maître,
Dans l'état où pour vous il a mis l'avenir,
Il promet aisément plus qu'il ne veut tenir.

Galba
Le devoir désunit l'amitié la plus forte,
Mais l'amour aisément sur ce devoir l'emporte ;
Et son feu, qui jamais ne s'éteint qu'à demi,
Intéresse une amante autrement qu'un ami.
J'aperçois Vinius. Qu'on m'amène sa fille :
J'en punirai le crime en toute la famille,
Si jamais je puis voir par où n'en point douter ;
Mais aussi jusque-là j'aurois tort d'éclater.

Autres textes de Pierre Corneille

Tite et Bérénice

"Tite et Bérénice" est une tragédie en cinq actes écrite par Pierre Corneille, jouée pour la première fois en 1670. Cette pièce est inspirée de l'histoire réelle de l'empereur romain...

Théodore

"Théodore" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, jouée pour la première fois en 1645. Cette œuvre est notable dans le répertoire de Corneille pour son sujet religieux et son...

Suréna

"Suréna" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1674. C'est la dernière pièce écrite par Corneille, et elle est souvent considérée comme une de...

Sophonisbe

"Sophonisbe" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1663. Cette pièce s'inspire de l'histoire de Sophonisbe, une figure historique de l'Antiquité, connue pour son...

Sertorius

"Sertorius" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1662. Cette pièce se distingue dans l'œuvre de Corneille par son sujet historique et politique, tiré...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024