ACTE II - Scène III


Tite
Parlez, parlez, madame, et daignez nous apprendre
Où porte votre cœur, ce qu'il sent de plus tendre,
Qui le possède entier de mon frère ou de moi ?

Domitie
En doutez-vous, seigneur, quand vous avez ma foi ?

Tite
J'aime à n'en point douter, mais on veut que j'en doute :
On dit que cette foi ne vous donne pas toute,
Que ce cœur reste ailleurs. Parlez en liberté,
Et n'en consultez point cette noble fierté,
Ce digne orgueil du sang que mon rang sollicite :
De tout ce que je suis ne regardez que Tite ;
Et pour mieux écouter vos désirs les plus doux,
Entre le prince et moi ne regardez que vous.

Domitie
Qu'avez-vous dit de moi, prince ?

Domitian
Que dans votre âme
Vous laissez vivre encor notre première flamme ;
Et qu'en faveur du rang si vous m'osez trahir,
Ce n'est pas tant aimer, madame, qu'obéir.
C'est en dire un peu plus que vous n'aviez envie ;
Mais il y va de vous, il y va de ma vie ;
Et qui se voit si près de perdre tout son bien,
Se fait armes de tout, et ne ménage rien.

Domitie
Je ne sais de vous deux, seigneur, à ne rien feindre,
Duquel je dois le plus me louer ou me plaindre.
C'est aimer assez mal, que remettre tous deux
Au choix de mes désirs le succès de vos vœux ;
Et cette liberté par tous les deux offerte
Montre que tous les deux peuvent souffrir ma perte,
Et que tout leur amour est prêt à consentir
Que mon cœur ou ma foi veuille se démentir.
Je me plains de tous deux, et vous plains l'un et l'autre,
Si pour voir tout ce cœur vous m'ouvrez tout le vôtre.
Le prince n'agit pas en amant fort discret ;
S'il ne m'impose rien, il trahit mon secret :
Tout ce qu'il vous en dit m'offense ou vous abuse.
Mais ce que fait l'amour, l'amour aussi l'excuse.
Vous, seigneur, je croyais que vous m'aimiez assez
Pour m'épargner le trouble où vous m'embarrassez,
Et laisser pour couleur à mon peu de constance
La gloire d'obéir à la toute-puissance :
Vous m'ôtez cette excuse, et me voulez charger
De ce qu'a d'odieux la honte de changer.
Si le prince en mon cœur garde encor même place,
C'est manquer de respect que vous le dire en face ;
Et si mon choix pour vous n'est point violenté,
C'est trop d'ambition et d'infidélité.
Ainsi des deux côtés tout sert à me confondre.
J'ai cent choses à dire, et rien à vous répondre ;
Et ne voulant déplaire à pas un de vous deux,
Je veux, ainsi que vous, douter où vont mes vœux.
Ce qui le plus m'étonne en cette déférence
Qui veut du cœur entier une entière assurance,
C'est que dans ce haut rang vous ne vouliez pas voir
Qu'il n'importe du cœur quand on sait son devoir,
Et que de vos pareils les hautes destinées
Ne le consultent point sur ces grands hyménées.

Tite
Si le vôtre, madame, était de moindre prix…
Mais que veut Flavian ?

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