Acte IV - Scène IV
(Dorante, Philiste, Cliton)
Dorante
Me reconduire encor ! Cette cérémonie
D'entre les vrais amis devait être bannie.
Philiste
Jusques en Bellecour je vous ai reconduit
Pour voir une maîtresse en faveur de la nuit.
Le temps est assez doux, et je la vois paraître
En de semblables nuits souvent à la fenêtre ;
J'attendrai le hasard un moment en ce lieu,
Et vous laisse aller voir votre lingère. Adieu.
Dorante
Que je vous laisse ici, de nuit, sans compagnie !
Philiste
C'est faire à votre tour trop de cérémonie.
Peut-être qu'à Paris j'aurais besoin de vous,
Mais je ne crains ici ni rivaux, ni filous.
Dorante
Ami, pour des rivaux, chaque jour en fait naître :
Vous en pouvez avoir, et ne les pas connaître.
Ce n'est pas que je veuille entrer dans vos secrets,
Mais nous nous tiendrons loin en confidents discrets.
J'ai du loisir assez.
Philiste
Si l'heure ne vous presse,
Vous saurez mon secret touchant cette maîtresse :
Elle demeure, ami, dans ce grand pavillon.
Cliton (, bas.)
Tout se prépare mal, à cet échantillon.
Dorante
Est-ce où je pense voir un linge qui voltige ?
Philiste
Justement.
Dorante
Elle est belle ?
Philiste
Assez.
Dorante
Et vous oblige ?
Philiste
Je ne saurais encor, s'il faut tout avouer,
Ni m'en plaindre beaucoup, ni beaucoup m'en louer :
Son accueil n'est pour moi ni trop doux ni trop rude,
Il est et sans faveur, et sans ingratitude,
Et je la vois toujours dedans un certain point
Qui ne me chasse pas et ne m'enga ge point.
Mais je me trompe fort, ou sa fenêtre s'ouvre.
Dorante
Je me trompe moi-même, ou quelqu'un s'y découvre.
Philiste
J'avance. Approchez-vous, mais sans suivre mes pas,
Et prenez un détour qui ne vous montre pas ;
Vous jugerez quel fruit je puis espérer d'elle.
Pour Cliton, il peut faire ici la sentinelle.
Dorante (, parlant à Cliton, après que Philiste s'est éloigné.)
Que me vient-il de dire ? Et qu'est-ce que je vois ?
Cliton, sans doute il aime en même lieu que moi.
O ciel ! Que mon bonheur est de peu de durée !
Cliton
S'il prend l'occasion qui vous est préparée,
Vous pouvez disputer avec votre valet
À qui mieux de vous deux gardera le mulet.
Dorante
Que de confusion et de trouble en mon âme !
Cliton
Allez prêter l'oreille aux discours de la dame.
Au bruit que je ferai prenez bien votre temps,
Et nous lui donnerons de jolis passe-temps.
(Dorante va auprès de Philiste.)