Acte II - Scène III
(Mélisse, Lyse)
Lyse
Vous pouviez dire encor très volontairement,
Et la faveur du ciel vous a bien conservée,
Si ces derniers discours ne vous ont achevée.
Le parti de Philiste a de quoi s'appuyer ;
Je n'en suis plus, Madame : il n'est bon qu'à noyer,
Il ne valut jamais un cheveu de Dorante.
Je puis vers la prison apprendre une courante ?
Mélisse
Oui, tu peux te résoudre encore à te crotter.
Lyse
Quels de vos diamants me faut-il lui porter ?
Mélisse
Mon frère va trop vite, et sa chaleur l'emporte
Jusqu'à connaître mal des gens de cette sorte.
Aussi, comme son but est différent du mien,
Je dois prendre un chemin fort éloigné du sien :
Il est reconnaissant, et je suis amoureuse ;
Il a peur d'être ingrat, et je veux être heureuse.
À force de présents il se croit acquitter,
Mais le redoublement ne fait que rebuter.
Si le premier oblige un homme de mérite,
Le second l'importune, et le reste l'irrite,
Et, passé le besoin, quoi qu'on lui puisse offrir,
C'est un accablement qu'il ne saurait souffrir.
L'amour est libéral, mais c'est avec adresse ;
Le prix de ses présents est en leur gentillesse,
Et celui qu'à Dorante exprès tu vas porter,
Je veux qu'il le dérobe au lieu de l'accepter.
Ecoute une pratique assez ingénieuse.
Lyse
Elle doit être belle et fort mystérieuse.
Mélisse
Au lieu des diamants dont tu viens de parler,
Avec quelques douceurs il faut le régaler,
Entrer sous ce prétexte, et trouver quelque voie
Par où, sans que j'y sois, tu fasses qu'il me voie.
Porte-lui mon portrait, et, comme sans dessein,
Fais qu'il puisse aisément le surprendre en ton sein ;
Feins lors pour le ravoir un déplaisir extrême ;
S'il le rend, c'en est fait ; s'il le retient, il m'aime.
Lyse
À vous dire le vrai, vous en savez beaucoup.
Mélisse
L'amour est un grand maître, il instruit tout d'un coup.
Lyse
Il vient de vous donner de belles tablatures.
Mélisse
Viens quérir mon portrait avec des confitures :
Comme pourra Dorante en user bien ou mal,
Nous résoudrons après touchant l'original.