ACTE III - Scène II



(LUBIN, ERGASTE.)

LUBIN
Morgué ! je gaigne bien ma vie avec l'amour de c'te jeunesse. Bon ! à l'autre. Qu'est-ce qu'il viant rôder ici, cti-là ?

ERGASTE(rêveur.)
Interrogeons ce paysan ; il est de la maison.

LUBIN(chantant en se promenant.)
La, la, la.

ERGASTE
Bonjour, l'ami.

LUBIN
Serviteur. La, la.

ERGASTE
Y a-t-il longtemps que vous êtes ici ?

LUBIN
Il n'y a que l'horloge qui en sait le compte ; moi, je n'y regarde pas.

ERGASTE
Il est brusque.

LUBIN
Les gens de Paris passont-ils leur chemin queuquefois ? Restez-vous là, monsieur ?

ERGASTE
Peut-être.

LUBIN
Oh ! que nanni ! la civilité ne vous le parmet pas.

ERGASTE
Et d'où vient ?

LUBIN
C'est que vous me portez de l'incommodité. J'ons besoin de ce chemin-ci pour une confarence en cachette.

ERGASTE
Je te laisserai libre ; je n'aime à gêner personne ; mais dis-moi, connais-tu un nommé M. Dorante ?

LUBIN
Dorante ? Oui-da.

ERGASTE
Il vient quelquefois ici, je pense, et connaît Mlle Angélique ?

LUBIN
Pourquoi non ? Je la connais bian, moi.

ERGASTE
N'est-ce pas lui que tu attends ?

LUBIN
C'est à moi à savoir ça tout seul. Si je vous disais oui, nous le saurions tous deux.

ERGASTE
C'est que j'ai vu de loin un homme qui lui ressemblait.

LUBIN
Eh bien ! cette ressemblance, ne faut pas que vous l'aperceviez de près, si vous êtes honnête.

ERGASTE
Sans doute, mais j'ai compris d'abord qu'il était amoureux d'Angélique, et je ne me suis approché de toi que pour en être mieux instruit.

LUBIN
Mieux ! Eh ! par la sambille, allez donc oublier ce que vous savez déjà. Comment instruire un homme qui est aussi savant que moi ?

ERGASTE
Je ne te demande plus rien.

LUBIN
Voyez qu'il a de peine ! Gageons que vous savez itou qu'alle est amoureuse de li ?

ERGASTE
Non ; mais je l'apprends.

LUBIN
Oui, parce que vous le saviez ; mais transportez-vous plus loin, faites-li place, et gardez le secret, monsieur ; ça est de conséquence.

ERGASTE
Volontiers, je te laisse.
(Il sort.)

LUBIN(le voyant partir.)
Queu sorcier d'homme ! Dame, s'il n'ignore de rin, ce n'est pas ma faute.

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