ACTE II - Scène première
(DORANTE, LUBIN.)
LUBIN(entrant le premier.)
Parsonne ne viant. (Dorante entre.)
Eh palsanguié ! arrivez donc : il y a plus d'une heure que je suis à l'affût de vous.
DORANTE
Eh bien ! qu'as-tu à me dire ?
LUBIN
Que vous ne bougiais d'ici. Lisette m'a dit de vous le commander.
DORANTE
T'a-t-elle dit l'heure qu'Angélique a prise pour notre rendez-vous ?
LUBIN
Non ; alle vous contera ça.
DORANTE
Est-ce là tout ?
LUBIN
C'est tout par rapport à vous ; mais il y a un restant par rapport à moi.
DORANTE
De quoi est-il question ?
LUBIN
C'est que je me repens…
DORANTE
Qu'appelles-tu te repentir ?
LUBIN
J'entends qu'il y a des scrupules qui me tourmentont sur vos rendez-vous que je protège ; j'ons queuquefois la tentation de vous torner casaque sur tout ceci, et d'aller nous accuser tretous.
DORANTE
Tu rêves. Où est le mal de ces rendez-vous ? Que crains-tu ? Ne suis-je pas honnête homme ?
LUBIN
Morgué ! moi itou ; et tellement honnête, qu'il n'y aura pas moyen d'être un fripon, si onen ne me soutient le cœur par rapport à ce que j'ons toujours maille à partir avec ma conscience ; il y a toujours queuque chose qui cloche dans mon courage, à chaque pas que je fais, j'ai le défaut de m'arrêter, à moins qu'on ne me pousse, et c'est à vous à pousser.
DORANTE(tirant une bague qu'il lui donne.)
Eh ! morbleu ! prends encore cela, et continue.
LUBIN
Ça me ravigote.
DORANTE
Dis-moi ; Angélique viendra-t-elle bientôt ?
LUBIN
Peut-être biantôt, peut-être bian tard, peut-être point du tout.
DORANTE
Point du tout ! Qu'est-ce que tu veux dire ? Comment a-t-elle reçu ma lettre ?
LUBIN
Ah ! comment ? Est-ce que vous me faites itou voute rapporteux auprès d'elle ? Pargué ! je serons donc l'espion à tout le monde ?
DORANTE
Toi ? Eh ! de qui l'es-tu encore ?
LUBIN
Eh ! pardi ! de la mère, qui m'a bian enchargé de n'en rian dire.
DORANTE
Misérable ! tu parles donc contre nous ?
LUBIN
Contre vous, monsieur ! Pas le mot, ni pour ni contre. Je fais ma main, et v'là tout. Faut pas mêmement que vous sachiez ça.
DORANTE
Explique-toi donc ; c'est-à-dire que ce que tu en fais, n'est que pour obtenir quelque argent d'elle sans nous nuire ?
LUBIN
V'là c'en que c'est ; je tire d'ici, je tire d'ilà ; et j'attrape.
DORANTE
Achève. Que t'a dit Angélique quand tu lui as porté ma lettre ?
LUBIN
Parlez-li toujours, mais ne lui écrivez pas ; voute griffonnage n'a pas fait forteune.
DORANTE
Quoi ! ma lettre l'a fâchée ?
LUBIN
Alle n'en a jamais voulu tâter ; le papier la courrouce.
DORANTE
Elle te l'a donc rendue ?
LUBIN
Alle me l'a rendue à tarre ; car je l'ons ramassée ; et Lisette la tiant.
DORANTE
Je n'y comprends rien. D'où cela peut-il provenir ?
LUBIN
V'là Lisette, interrogez-la ; je retorne à ma place pour vous garder.
(Il sort.)