ACTE PREMIER - Scène III



(DORANTE, ANGÉLIQUE, LISETTE, LUBIN, DANS L'ÉLOIGNEMENT.)

ANGÉLIQUE
Je ne vous attendais pas au moins, Dorante.

DORANTE
Je ne sais que trop que c'est à Lisette que j'ai l'obligation de vous voir ici, madame.

LISETTE
Je lui ai pourtant dit que vous viendriez.

ANGÉLIQUE
Oui, elle vient de me l'apprendre tout à l'heure.

LISETTE
Pas tant tout à l'heure.

ANGÉLIQUE
Taisez-vous, Lisette.

DORANTE
Me voyez-vous à regret, madame ?

ANGÉLIQUE
Non, Dorante ; si j'étais fâchée de vous voir, je fuirais les lieux où je vous trouve, et où je pourrais soupçonner de vous rencontrer.

LISETTE
Oh ! pour cela, monsieur, ne vous plaignez pas ; il faut rendre justice à madame ; il n'y a rien de si obligeant que les discours qu'elle vient de me tenir sur votre compte.

ANGÉLIQUE
Mais, en vérité, Lisette !…

DORANTE
Eh ! madame, ne m'enviez pas la joie qu'elle me donne.

LISETTE
Où est l'inconvénient de répéter des choses qui ne sont que louables ? Pourquoi ne saurait-il pas que vous êtes charmée que tout le monde l'aime et l'estime ? Y a-t-il du mal à lui dire le plaisir que vous vous proposez à le venger de la fortune, à lui apprendre que la sienne vous le rend encore plus cher ? Il n'y a point à rougir d'une pareille façon de penser ; elle fait l'éloge de votre cœur.

DORANTE
Quoi ! charmante Angélique, mon bonheur irait-il jusque-là ? Oserais-je ajouter foi à ce qu'elle me dit ?

ANGÉLIQUE
Je vous avoue qu'elle est bien étourdie.

DORANTE
Je n'ai que mon cœur à vous offrir, il est vrai ; mais du moins n'en fut-il jamais de plus pénétré ni de plus tendre.
(Lubin paraît dans l'éloignement.)

LISETTE
Doucement, ne parlez pas si haut ; il me semble que je vois le neveu de notre fermier qui nous observe. Ce grand benêt-là, que fait-il ici ?

ANGÉLIQUE
C'est lui-même. Ah ! que je suis inquiète ! Il dira tout à ma mère. Adieu, Dorante, nous nous reverrons, je me sauve, retirez-vous aussi.
(Elle sort. Dorante veut s'en aller.)

LISETTE(l'arrêtant.)
Non, Monsieur, arrêtez : il me vient une idée ; il faut tâcher de le mettre dans nos intérêts ; il ne me hait pas.

DORANTE
Puisqu'il nous a vus, c'est le meilleur parti.

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