ACTE III - Scène VII



(DON RUY GOMEZ, HERNANI. )

DON RUY GOMEZ
Sors.(Hernani paraît, don Ruy lui montre les deux épées sur la table.)
Choisis. Don Carlos est hors de la maison, Il s'agit maintenant de me rendre raison. Choisis, et faisons vite. Allons donc, ta main tremble !

HERNANI
Un duel ! Nous ne pouvons, vieillard, combattre ensemble.

DON RUY GOMEZ
Pourquoi donc ? As-tu peur ? N'es-tu point noble ? Enfer ! Noble ou non, pour croiser le fer avec le fer, Tout homme qui m'outrage est assez gentilhomme.

HERNANI
Vieillard !

DON RUY GOMEZ
Viens me tuer, ou viens mourir, jeune homme !

HERNANI
Mourir, oui. Vous m'avez sauvé malgré mes vœux ; Donc, ma vie est à vous. Reprenez-la.

DON RUY GOMEZ
Tu veux ?(Aux portraits)
Vous voyez qu'il le veut.(À Hernani.)
C'est bon ! Fais ta prière.

HERNANI
Oh ! C'est à toi, seigneur, que je fais la dernière.

DON RUY GOMEZ
Parle à l'autre seigneur.

HERNANI
Non, non, à toi ! Vieillard, Frappe-moi. Tout m'est bon, dague, épée ou poignard ! Mais fais-moi, par pitié, cette suprême joie ! Duc ! Avant de mourir, permets que je la voie !

DON RUY GOMEZ
La voir !

HERNANI
Au moins permets que j'entende sa voix, Une dernière fois ! Rien qu'une seule fois !

DON RUY GOMEZ
L'entendre !

HERNANI
Oh ! je comprends, seigneur, ta jalousie. Mais déjà par la mort ma jeunesse est saisie. Pardonne-moi. Veux-tu, dis-moi, que, sans le vouloir, S'il le faut, je l'entende ? Et je mourrai ce soir. L'entendre seulement ! Contente mon envie ! Mais, Oh ! qu'avec douceur j'exhalerais ma vie, Si tu daignais vouloir qu'avant de fuir aux cieux Mon âme allât revoir la sienne dans ses yeux ! — Je ne lui dirai rien. Tu seras là, mon père. Tu me prendras après.

DON RUY GOMEZ(montrant la cachette encore ouverte.)
Saints du ciel ! Ce repaire Est-il donc si profond, si sourd et si perdu, Qu'il n'ait entendu rien !

HERNANI
Je n'ai rien entendu.

DON RUY GOMEZ
Il a fallu livrer doña Sol, ou toi-même.

HERNANI
À qui livrée ?

DON RUY GOMEZ
Au roi.

HERNANI
Vieillard stupide ! Il l'aime !

DON RUY GOMEZ
Il l'aime !

HERNANI
Il nous l'enlève ! Il est notre rival.

DON RUY GOMEZ
Ô malédiction ! Mes vassaux, à cheval, À cheval ! Poursuivons le ravisseur !

HERNANI
Écoute. La vengeance au pied sûr fait moins de bruit en route. Je t'appartiens, tu peux me tuer. Mais veux-tu M'employer à venger ta nièce et sa vertu ? Ma part dans ta vengeance ! Oh ! Fais-moi cette grâce ! Et s'il faut embrasser tes pieds, je les embrasse ! Suivons le roi tous deux ! Viens, je serai ton bras, Je te vengerai, duc ; après, tu me tueras.

DON RUY GOMEZ
Alors, comme aujourd'hui, te laisseras-tu faire ?

HERNANI
Oui, duc.

DON RUY GOMEZ
Qu'en jures-tu ?

HERNANI
La tête de mon père.

DON RUY GOMEZ
Voudras-tu de toi-même un jour t'en souvenir ?

HERNANI(lui présentant le cor qu'il ôte de sa ceinture.)
Écoute, prends ce cor. Quoi qu'il puisse advenir, Quand tu voudras, seigneur, quel que soit le lieu, l'heure, S'il te passe à l'esprit qu'il est temps que je meure, Viens, sonne de ce cor, et ne prends d'autres soins ; Tout sera fait.

DON RUY GOMEZ(lui tendant la main.)
Ta main.(Ils se serrent la main.Aux portraits.)
Vous tous, soyez témoins.

Autres textes de Victor Hugo

Les Misérables - Tome I : Fantine

Le Tome 1 de "Les Misérables", intitulé "Fantine", se concentre sur plusieurs personnages clés et thèmes qui posent les fondements du récit épique de Victor Hugo. Le livre s'ouvre sur...

Les Contemplations - Au bord de l'infini

J’avais devant les yeux les ténèbres. L’abîmeQui n’a pas de rivage et qui n’a pas de cimeÉtait là, morne, immense ; et rien n’y remuait.Je me sentais perdu dans l’infini...

Les Contemplations - En marche

Et toi, son frère, sois le frère de mes fils.Cœur fier, qui du destin relèves les défis,Suis à côté de moi la voie inexorable.Que ta mère au front gris soit...

Les Contemplations - Pauca Meae

Pure innocence ! Vertu sainte !Ô les deux sommets d’ici-bas !Où croissent, sans ombre et sans crainte,Les deux palmes des deux combats !Palme du combat Ignorance !Palme du combat Vérité...

Les Contemplations - Les luttes et les rêves

Un soir, dans le chemin je vis passer un hommeVêtu d’un grand manteau comme un consul de Rome,Et qui me semblait noir sur la clarté des cieux.Ce passant s’arrêta, fixant...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024