Alzire, ou les Américains
-
ACTE QUATRIÈME - Scène 3

Voltaire

ACTE QUATRIÈME - Scène 3


(Alzire, Émire.)

Émire
Vous voyez qu'il vous aime, on pourrait l'attendrir.

Alzire
S'il m'aime, il est jaloux : Zamore va périr :
J'assassinais Zamore en demandant sa vie.
Ah ! Je l'avais prévu. M'auras-tu mieux servie ?
Pourras-tu le sauver ? Vivra-t-il loin de moi ?
Du soldat qui le garde as-tu tenté la foi ?

Émire
L'or qui les séduit tous, vient d'éblouir sa vue.
Sa foi, n'en doutez point, sa main vous est vendue.

Alzire
Ainsi grâces aux cieux, ces métaux détestés,
Ne servent pas toujours à nos calamités.
Ah ! Ne perds point de temps : tu balances encore !

Émire
Mais aurait-on juré la perte de Zamore ?
Alvarès aurait- il assez peu de crédit,
Et le conseil enfin…

Alzire
Je crains tout, il suffit.
Tu vois de ces tyrans la fierté tyrannique.
Ils pensent que pour eux le ciel fit l'Amérique,
Qu'ils en sont nés les rois ; et Zamore à leurs yeux,
Tout souverain qu'il fût n'est qu'un séditieux.
Conseil de meurtriers ! Gusman ! Peuple barbare !
Je préviendrai les coups que votre main prépare.
Ce soldat ne vient point, qu'il tarde à m'obéir !

Émire
Madame, avec Zamore il va bientôt venir ;
Il court à la prison. Déjà la nuit plus sombre
Couvre ce grand dessein du secret de son ombre.
Fatigués de carnage et de sang enivrés,
Les tyrans de la terre au sommeil sont livrés.

Alzire
Allons, que ce soldat nous conduise à la porte,
Qu'on ouvre la prison, que l'innocence en sorte.

Émire
Il vous prévient déjà ; Céphane le conduit.
Mais si l'on vous rencontre en cette obscure nuit,
Votre gloire est perdue, et cette honte extrême…

Alzire
Va, la honte serait de trahir ce que j'aime.
Cet honneur étranger parmi nous inconnu,
N'est qu'un fantôme vain qu'on prend pour la vertu.
C'est l'amour de la gloire et non de la justice,
La crainte du reproche et non celle du vice.
Je fus instruite, Émire, en ce grossier climat,
À suivre la vertu sans en chercher l'éclat.
L'honneur est dans mon cœur, et c'est lui qui m'ordonne,
De sauver un héros que le ciel abandonne.


Autres textes de Voltaire

Zadig, ou la Destinée

"Zadig ou la Destinée" est un conte philosophique écrit par Voltaire et publié en 1747. L’œuvre raconte les aventures de Zadig, un jeune homme sage et vertueux qui vit à...

Lettres philosophiques

Les "Lettres philosophiques" de Voltaire, publiées en 1734, sont un recueil de lettres qui présentent une critique des institutions françaises à travers le regard admiratif que Voltaire porte sur l’Angleterre....

Oedipe

"Œdipe" de Voltaire est une réinterprétation de la tragédie grecque classique d'Œdipe. Écrite en 1718, cette pièce se concentre sur le roi Œdipe de Thèbes, qui cherche désespérément à élucider...

Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète

"Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète" est une tragédie de Voltaire écrite en 1739. Cette pièce est une critique du fanatisme religieux et de la manipulation des masses. Elle raconte...

La Femme qui a raison

"La Femme qui a Raison" de Voltaire est une comédie qui aborde les thèmes de l'amour, du mariage, et de la manipulation sociale. L'intrigue se concentre sur Madame Duru, qui...



Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2025