"Alzire, ou les Américains" est une tragédie de Voltaire, écrite en 1736. Cette pièce se déroule au Pérou, à l'époque de la conquête espagnole, et elle explore les thèmes du choc culturel, de la colonisation, de la religion et de la moralité.
L'histoire se centre sur Alzire, une jeune femme inca, et Don Gusman, le nouveau gouverneur espagnol rigide et fervent catholique. Alzire est éprise de Zamore, un leader inca, mais elle est également attirée par les idéaux chrétiens prêchés par les Espagnols. Le conflit dramatique de la pièce émerge de la tension entre les valeurs et les traditions des Incas et celles des Espagnols, représentées par les personnages principaux.
La pièce est notable pour sa critique de la cruauté de la colonisation et de l'intolérance religieuse. Voltaire utilise le cadre et les personnages pour explorer des questions plus larges sur la justice, l'oppression, et la capacité de l'amour et de la compassion à transcender les divisions culturelles et religieuses. "Alzire" est représentatif de l'esprit des Lumières, soulignant l'importance de la compréhension et du respect mutuel entre différentes cultures et croyances.
(La scène est dans la ville de Los-Reyes autrement Lima.)(Alvarès, Gusman.)AlvarèsDu conseil de Madrid l'autorité suprêmePour successeur enfin, me donne un fils que j'aime.Faites régner le prince et le dieu que je sers,Sur la riche moitié d'un nouvel univers :Gouvernez...
(Alvarès, Montèze.)AlvarèsEh bien votre sagesse et votre autoritéOnt d'Alzire en effet, fléchi la volonté ?MontèzePère des malheureux, pardonne si ma fille,Dont Gusman détruisit l'empire et la famille,Semble éprouver encore un reste de terreur,Et d'un pas chancelant, marche vers son vainqueur.Les...
Montèze (seul.)Dieu destructeur des dieux que j'avais trop servis,Protège de mes ans la fin dure et funeste,Tout me fut enlevé ; ma fille ici me reste,Daigne veiller sur elle et conduire son cœur.
(Montèze, Alzire.)MontèzeMa fille, il en est temps, consens à ton bonheur,Ou plutôt, si ta foi, si ton cœur me seconde,Par ta félicité fais le bonheur du monde ;Protège les vaincus, commande à nos vainqueurs,Éteins entre leurs mains leurs foudres destructeurs,Remonte...
(Gusman, Alzire.)GusmanJ'ai sujet de me plaindreQue l'on oppose encore à mes empressementsL'offensante lenteur de ces retardements.J'ai suspendu ma loi, prête à punir l'audaceDe tous ces ennemis dont vous vouliez la grâce.Ils sont en liberté ; mais j'aurais à rougir,Si ce...
Gusman (seul.)Son orgueil, je l'avoue, et sa sincéritéÉtonne mon courage et plaît à ma fierté.Allons, ne souffrons pas que cette humeur altièreCoûte plus à dompter que l'Amérique entière ;La grossière nature, en formant ses appas,Lui laisse un cœur sauvage, et...
(Zamore, américains.)ZamoreAmis de qui l'audace, aux mortels peu commune,Renaît dans les dangers et croît dans l'infortune ;Illustres compagnons de mon funeste sort,N'obtiendrons-nous jamais la vengeance ou la mort ?Vivrons-nous sans servir Alzire et la patrie,Sans ôter à Gusman sa détestable...
(Alvarès, Zamore, américains.)AlvarèsSoyez libres, vivez.ZamoreCiel ! Que viens-je d'entendre !Quelle est cette vertu que je ne puis comprendre !Quel vieillard ou quel dieu vient ici m'étonner !Tu parois espagnol et tu sais pardonner !Es-tu roi ? Cette ville est-elle en...
(Zamore, américains.)ZamoreDes cieux enfin sur moi la bonté se déclare,Je trouve un homme juste en ce séjour barbare.Alvarès est un dieu qui, parmi ces pervers,Descend pour adoucir les mœurs de l'univers.Il a dit-il un fils : ce fils sera mon...
(Montèze, Zamore, américains.)ZamoreCher Montèze, est-ce toi que je tiens dans mes bras ?Revois ton cher Zamore échappé du trépas,Qui du sein du tombeau renaît pour te défendre ;Revois ton tendre ami, ton allié, ton gendre.Alzire est-elle ici ? Parle quel...
(Montèze, Zamore. suite.)Un Garde ( à Montèze.)Seigneur on vous attend pour la cérémonie.MontèzeJe vous suis.ZamoreAh ! Cruel, je ne te quitte pas.Quelle est donc cette pompe, où s'adressent tes pas ?Montèze…MontèzeAdieu, crois-moi, fui de ce lieu funeste.ZamoreDût m'accabler ici la...
(Zamore, américains.)ZamoreQu'ai-je entendu, Gusman ! ô trahison ! ô rage !Ô comble des forfaits ! Lâche et dernier outrage !Il servirait Gusman ! L'ai-je bien entendu !Dans l'univers entier n'est-il plus de vertu !Alzire, Alzire aussi sera-t-elle coupable ?Aura-t-elle succès...
Alzire (seule.)Mânes de mon amant, j'ai donc trahi ma foi !C'en est fait, et Gusman règne à jamais sur moi !L'océan, qui s'élève entre nos hémisphères,A donc mis entre nous d'impuissantes barrières ;Je suis à lui, l'autel a donc reçu...
(Alzire, Émire.)AlzireEh bien ! Veut-on toujours ravir à ma présence,Les habitants des lieux si chers à mon enfance ?Ne puis-je voir enfin ces captifs malheureux,Et goûter la douceur de pleurer avec eux ?ÉmireAh ! Plutôt de Gusman redoutez la furie,Craignez...
(Alzire, Émire, Céphane.)CéphaneMadame, un des captifs, qui dans cette journéeN'ont du leur liberté qu'à ce grand hyménée,À vos pieds en secret demande à se jeter.AlzireAh ! Qu'avec assurance il peut se présenter !Sur lui, sur ses amis, mon âme est...
(Alzire, Zamore, Émire.)ZamoreM'est-elle enfin rendue ? Est-ce elle que je vois ?AlzireCiel ! Tels étaient ses traits, sa démarche, sa voix.(elle tombe entre les mains de sa confidente,)Zamore… je succombe ; à peine je respire.ZamoreReconnais ton amant.AlzireZamore aux pieds d'Alzire ...
(Alvarès, Gusman, Zamore, Alzire, suite.)Alvarès (à son fils.)Tu vois mon bienfaiteur, il est auprès d'Alzire.(À Zamore,)Ô toi ! Jeune héros, toi par qui je respire,Viens, ajoute à ma joie en cet auguste jour,Viens avec mon cher fils partager mon amour.ZamoreQu'entends-je ...
(Alvarès, Gusman, Alzire, Dom Alonze, officier espagnol.)AlonzeParaissez, seigneur, et commandez,D'armes et d'ennemis ces champs sont inondés :Ils marchent vers ces murs, et le nom de ZamoreEst le cri menaçant qui les rassemble encore.Ce nom sacré pour eux se mêle dans...
(Alvarès, Alzire.)Alzire (se jetant à genoux.)Seigneur, j'embrasse vos genoux,C'est à votre vertu que je rends cet hommage,Le premier où le sort abaissa mon courage.Vengez, seigneur, vengez, sur ce cœur affligé,L'honneur de votre fils par sa femme outragé :Mais à mes...
(Alvarès, Gusman.)AlvarèsMéritez donc, mon fils, un si grand avantage.Vous avez triomphé du nombre et du courage,Et de tous les vengeurs de ce triste universUne moitié n'est plus, et l'autre est dans vos fers.Ah ! N'ensanglantez point le prix de la...
(Gusman, Alzire, Émire.)AlzireC'est moi, c'est ton épouse,C'est ce fatal objet de ta fureur jalouse,Qui n'a pu te chérir, qui t'a du révérer,Qui te plaint, qui t'outrage, et qui vient t'implorer.Je n'ai rien déguisé. Soit grandeur, soit faiblesse,Ma bouche a fait...
(Alzire, Émire.)ÉmireVous voyez qu'il vous aime, on pourrait l'attendrir.AlzireS'il m'aime, il est jaloux : Zamore va périr :J'assassinais Zamore en demandant sa vie.Ah ! Je l'avais prévu. M'auras-tu mieux servie ?Pourras-tu le sauver ? Vivra-t-il loin de moi ?Du soldat...
(Alzire, Zamore, Émire.)AlzireTout est perdu pour toi, tes tyrans sont vainqueurs,Ton supplice est tout prêt, si tu ne fuis, tu meurs.Pars, ne perds point de temps, prend ce soldat pour guide.Trompons des meurtriers, l'espérance homicide,Tu vois mon désespoir, et mon...
(Alzire, Émire.)AlzireJe succombe, il me laisse :Il part, que va-t-il faire ? ô moment plein d'effroi !Gusman ! Quoi c'est donc lui que j'ai quitté pour toi !Émire, suis ses pas, vole, et reviens m'instruire,S'il est en sûreté, s'il faut...
(Alzire, Émire.)AlzireChère Émire, est-ce toi ? Qu'a-t-on fait,Qu'as-tu vu ?Tire-moi par pitié de mon doute terrible.ÉmireAh ! N'espérez plus rien, sa perte est infaillible,Des armes du soldat qui conduisait ses pasIl a couvert son front, il a chargé son bras.Il...
(Alzire, Émire, Don Alonze, gardes.)Don AlonzeÀ mes ordres secrets, madame, il faut vous rendre.AlzireQue me dis-tu barbare ? Et que viens-tu m'apprendre ?Qu'est devenu Zamore ?Don AlonzeEn ce moment affreuxJe ne puis qu'annoncer un ordre rigoureux,Daignez me suivre.AlzireÔ sort !...
(Alzire, gardes.)AlzirePréparez-vous pour moi vos supplices cruels,Tyrans, qui vous nommés les juges des mortels ?Laissez-vous dans l'horreur de cette inquiétudeDe mes destins affreux flotter l'incertitude ?On m'arrête, on me garde, on ne s'informe pasSi l'on a résolu ma vie, ou...
(Montèze, Alzire.)AlzireAh mon père !MontèzeMa fille où nous as-tu réduits !Voilà de ton amour les exécrables fruits.Hélas ! Nous demandions la grâce de Zamore ;Alvarès avec moi daignait parler encore ;Un soldat à l'instant se présente à nos yeux,C'était Zamore...
Alzire ( seule.)Ô ciel ! Anéantis ma fatale existence.Quoi ce dieu que je sers me laisse sans secours !Il défend à mes mains d'attenter sur mes jours.Ah j'ai quitté des dieux dont la bonté facileMe permettait la mort, la mort...
(Zamore enchaîné, Alzire, gardes.)ZamoreC'est ici qu'il faut périr tous deux.Sous l'horrible appareil de sa fausse justice,Un tribunal de sang te condamne au supplice.Gusman respire encore ; mon bras désespéréN'a porté dans son sein qu'un coup mal assure.Il vit pour achever...
(Alzire, Zamore, Alvarès, gardes.)ZamoreJ'attends la mort de toi, le ciel le veut ainsi,Tu dois me prononcer l'arrêt qu'on vient de rendre,Parle sans te troubler comme je vais t'entendre ;Et fais livrer sans crainte aux supplices tout prêtsL'assassin de ton fils,...
(Alvarès, Zamore, Alzire, Alonze, américains, espagnols.)AlonzeOn amène à vos yeux votre malheureux fils.Seigneur, entre vos bras il veut quitter la vie.Du peuple qui l'aimait, une troupe en furie,S'empressant près de lui, vient se rassasierDu sang de son épouse, et de...
(Alvarès, Gusman, Zamore, Alzire, Montèze, américains, soldats.)ZamoreCruels, sauvez Alzire, et pressez mon supplice !AlzireNon, qu'une affreuse mort tous trois nous réunisse.AlvarèsMon fils mourant, mon fils, ô comble de douleur !Zamore (à Gusman.)Tu veux donc jusqu'au bout consommer ta fureur ?Viens,...
"Zadig ou la Destinée" est un conte philosophique écrit par Voltaire et publié en 1747. L’œuvre raconte les aventures de Zadig, un jeune homme sage et vertueux qui vit à...
Les "Lettres philosophiques" de Voltaire, publiées en 1734, sont un recueil de lettres qui présentent une critique des institutions françaises à travers le regard admiratif que Voltaire porte sur l’Angleterre....
"Œdipe" de Voltaire est une réinterprétation de la tragédie grecque classique d'Œdipe. Écrite en 1718, cette pièce se concentre sur le roi Œdipe de Thèbes, qui cherche désespérément à élucider...
"Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète" est une tragédie de Voltaire écrite en 1739. Cette pièce est une critique du fanatisme religieux et de la manipulation des masses. Elle raconte...
"La Femme qui a Raison" de Voltaire est une comédie qui aborde les thèmes de l'amour, du mariage, et de la manipulation sociale. L'intrigue se concentre sur Madame Duru, qui...
"Irène" est la dernière tragédie écrite par Voltaire, achevée peu de temps avant sa mort en 1778. Cette pièce historique se déroule à Constantinople en 1453, lors du siège et...
"Agathocle" est une tragédie de Voltaire, écrite en 1777. Cette pièce s'inspire de la vie d'Agathocle (361-289 av. J.-C.), qui fut un tyran et plus tard roi de Syracuse, en...
"Candide, ou l'Optimisme" est un conte philosophique de Voltaire, publié pour la première fois en 1759. C'est une œuvre satirique qui critique les idées de l'époque, notamment l'optimisme philosophique qui...