ACTE IV - Scène 3



(Pulchérie, Aspar, Irène, Justine.)

ASPAR
Madame,
Déjà sur vos desseins j'ai lu dans plus d'une âme,
Et crois de mon devoir de vous mieux avertir
De ce que sur tous deux on m'a fait pressentir.
J'espère pour Léon, et j'y fais mon possible ;
Mais j'en prévois, madame, un murmure infaillible,
Qui pourra se borner à quelque émotion,
Et peut aller plus loin que la sédition.

PULCHÉRIE
Vous en savez l'auteur : parlez, qu'on le punisse ;
Que moi-même au sénat j'en demande justice.

ASPAR
Peut-être est-ce quelqu'un que vous pourriez choisir,
S'il vous fallait ailleurs tourner votre désir,
Et dont le choix illustre à tel point saurait plaire,
Que nous n'aurions à craindre aucun parti contraire.
Comme à vous le nommer, ce serait fait de lui,
Ce serait à l'empire ôter un ferme appui,
Et livrer un grand cœur à sa perte certaine,
Quand il n'est pas encor digne de votre haine.

PULCHÉRIE
On me fait mal sa cour avec de tels avis,
Qui sans nommer personne, en nomment plus de dix.
Je hais l'empressement de ces devoirs sincères,
Qui ne jette en l'esprit que de vagues chimères,
Et ne me présentant qu'un obscur avenir,
Me donne tout à craindre, et rien à prévenir.

ASPAR
Le besoin de l'état est souvent un mystère
Dont la moitié se dit, et l'autre est bonne à taire.

PULCHÉRIE
Il n'est souvent aussi qu'un pur fantôme en l'air
Que de secrets ressorts font agir et parler,
Et s'arrête où le fixe une âme prévenue,
Qui pour ses intérêts le forme et le remue.
Des besoins de l'état si vous êtes jaloux,
Fiez-vous-en à moi, qui les vois mieux que vous.
Martian, comme vous, à vous parler sans feindre,
Dans le choix de Léon voit quelque chose à craindre ;
Mais il m'apprend de qui je dois me défier ;
Et je puis, si je veux, me le sacrifier.

ASPAR
Qui nomme-t-il, madame ?

PULCHÉRIE
Aspar, c'est un mystère
Dont la moitié se dit, et l'autre est bonne à taire.
Si l'on hait tant Léon, du moins réduisez-vous
À faire qu'on m'admette à régner sans époux.

ASPAR
Je ne l'obtiendrai point, la chose est sans exemple.

PULCHÉRIE
La matière au vrai zèle en est d'autant plus ample ;
Et vous en montrerez de plus rares effets
En obtenant pour moi ce qu'on n'obtint jamais.

ASPAR
Oui ; mais qui voulez-vous que le sénat vous donne,
Madame, si Léon…

PULCHÉRIE
Ou Léon, ou personne.
À l'un de ces deux points amenez les esprits.
Vous adorez Irène, Irène est votre prix ;
Je la laisse avec vous, afin que votre zèle
S'allume à ce beau feu que vous avez pour elle.
Justine, suivez-moi.

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