Les Serments indiscrets
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ACTE DEUXIÈME - Scène II

Marivaux

ACTE DEUXIÈME - Scène II


ORGON, LISETTE, FRONTIN.

M. Orgon (à Frontin qui se retire.)
Approche, approche ; pourquoi t'enfuis-tu ?

Frontin
Monsieur, c'est que nous ne sommes pas extrêmement camarades.

M. Orgon
Viens toujours, à cela près.

Frontin
Sérieusement, monsieur.

M. Orgon
Viens, te dis-je.

Frontin
Ma foi, monsieur, comme vous voudrez ; on m'a quelquefois dit que ma conversation en valait bien une autre, et j'y mettrai tout ce que j'ai de meilleur. Où en êtes-vous ? La Bourgogne, dit-on, a donné beaucoup cette année-ci ; cela fait plaisir. On dit que les Turcs à Constantinople…

M. Orgon
Halte-là, laissons Constantinople.

Lisette
Il en sortirait aussi légèrement que de Bourgogne.

Frontin
Je vous menais en Champagne un instant après ; j'aime les pays de vignoble, moi.

M. Orgon
Point d'écart, Frontin, parlons un peu de votre maître. Dites-moi confidemment, que pense-t-il sur le mariage en question ? son cœur est-il d'accord avec nos desseins ?

Frontin
Ah ! monsieur, vous me parlez là d'un cœur qui mène une triste vie ; plus je vous regarde, et plus je m'y perds. Je vois des cruautés dans vos enfants qu'on ne devinerait pas à la douceur de votre visage.
(Lisette hausse les épaules.)

M. Orgon
Que veux-tu dire avec tes cruautés ? De qui parles-tu ?

Frontin
De mon maître, et des peines secrètes qu'il souffre de la part de mademoiselle votre fille.

Lisette
Cet effronté qui vous fait un roman ! Qu'a-t-on fait à ton maître, dis ? Où sont les chagrins qu'on a eu le temps de lui donner ? Que nous a-t-il dit jusqu'ici ? Que voit-on de lui que des révérences ? Est-ce en fuyant que l'on dit qu'on aime ? Quand on a de l'amour pour une sœur aînée, est-ce à sa sœur cadette à qui on va le dire ?

Frontin
Ne trouvez-vous pas cette fille-là bien revêche, monsieur ?

M. Orgon
Tais-toi, en voilà assez ; tout ce que j'entends me fait juger qu'il n'y a peut-être que du malentendu dans cette affaire-ci. Quant à ma fille, dites-lui, Lisette, que je serais très fâché d'avoir à me plaindre d'elle ; c'est sur sa parole que j'ai fait venir Damis et son père ; depuis qu'elle a vu le fils, il ne lui déplaît pas, à ce qu'elle dit ; cependant ils se fuient, et je veux savoir qui des deux a tort ; car il faut que cela finisse.
(Il s'en va.)


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