Les Serments indiscrets
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ACTE DEUXIÈME - Scène première

Marivaux

ACTE DEUXIÈME - Scène première


M. ORGON, LISETTE.

M. Orgon (comme continuant un discours commencé.)
Je ne le vante point plus qu'il ne vaut ; mais je crois qu'en fait d'esprit et de figure, on aurait de la peine à trouver mieux que Damis ; à l'égard des qualités du cœur et du caractère, l'éloge qu'on en fait est général, et sa physionomie dit qu'il le mérite.

Lisette
C'est mon avis.

M. Orgon
Mais ma fille pense-t-elle comme nous ? C'est pour le savoir que je te parle.

Lisette
En doutez-vous, monsieur ? Vous la connaissez. Est-ce que le mérite lui échappe ? Elle tient de vous premièrement.

M. Orgon
Il faut pourtant bien qu'elle n'ait pas fait grand accueil à Damis, et qu'il ait remarqué de la froideur dans ses manières.

Lisette
Il les a vues tempérées, mais jamais froides.

M. Orgon
Qu'est-ce que c'est que tempérées ?

Lisette
C'est comme qui dirait… entre le froid et le chaud.

M. Orgon
D'où vient donc qu'on voit Damis parler plus volontiers à sa sœur ?

Lisette
C'est Damis, par exemple, qui a la clef de ce secret-là.

M. Orgon
Je crois l'avoir aussi, moi : c'est apparemment qu'il voit que Lucile a de l'éloignement pour lui.

Lisette
Je crois avoir à mon tour la clef d'un autre secret ; je pense que Lucile ne traite froidement Damis que parce qu'il n'a pas d'empressement pour elle.

M. Orgon
Il ne s'éloigne que parce qu'il est trop mal reçu.

Lisette
Mais, monsieur, s'il n'était mal reçu que parce qu'il s'éloigne !

M. Orgon
Qu'est-ce que c'est que ce jeu de mots-là ? Parle-moi naturellement ; ma fille te dit ce qu'elle pense. Est-ce que Damis ne lui convient pas ? Car, enfin, il se plaint de l'accueil de Lucile

Lisette
Il se plaint, dites-vous ! monsieur, c'est un fripon, sur ma parole ; je lui soutiens qu'il a tort ; il sait bien qu'il ne nous aime point.

M. Orgon
Il assure le contraire.

Lisette
Eh ! où est-il donc, cet amour qu'il a ? Nous avons regardé dans ses yeux, il n'y a rien ; dans ses paroles, elles ne disent mot ; dans le son de sa voix, rien ne marque ; dans ses procédés, rien ne sort ; de mouvements de cœur, il n'en perce aucun. Notre vanité, qui a des yeux de lynx, a fureté partout ; et puis monsieur viendra dire qu'il a de l'amour, à nous qui devinons qu'on nous aimera avant qu'on nous aime, qui avons des nouvelles du cœur d'un amant avant qu'il en ait lui-même ! Il nous fait là de beaux contes, avec son amour imperceptible !

M. Orgon
Il y a là-dedans quelque chose que je ne comprends pas. N'est-ce pas là son valet ? Apparemment qu'il te cherche.


ACTE DEUXIÈME - Scène première

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