ACTE TROISIÈME - SCÈNE VI



Mahomet, Omar, Séide.

Mahomet
Enfant d'un dieu qui parle à votre coeur,
écoutez par ma voix sa volonté suprême ;
il faut venger son culte, il faut venger dieu même.

Séide
Roi, pontife, et prophète, à qui je suis voué,
maître des nations, par le ciel avoué,
vous avez sur mon être une entière puissance ;
éclairez seulement ma docile ignorance.
Un mortel venger dieu !

Mahomet
C'est par vos faibles mains
qu'il veut épouvanter les profanes humains.

Séide
Ah ! Sans doute ce dieu, dont vous êtes l'image,
va d'un combat illustre honorer mon courage.

Mahomet
Faites ce qu'il ordonne, il n'est point d'autre honneur.
De ses décrets divins aveugle exécuteur,
adorez et frappez ; vos mains seront armées
par l'ange de la mort, et le dieu des armées.

Séide
Parlez : quels ennemis vous faut-il immoler ?
Quel tyran faut-il perdre ? Et quel sang doit couler ?

Mahomet
Le sang du meurtrier que Mahomet abhorre,
qui nous persécuta, qui nous poursuit encore,
qui combattit mon dieu, qui massacra mon fils ;
le sang du plus cruel de tous nos ennemis,
de Zopire.

Séide
De lui ! Quoi ! Mon bras…

Mahomet
Téméraire,
on devient sacrilège alors qu'on délibère.
Loin de moi les mortels assez audacieux
pour juger par eux-mêmes, et pour voir par leurs yeux !
Quiconque ose penser n'est pas né pour me croire.
Obéir en silence est votre seule gloire.
Savez-vous qui je suis ? Savez-vous en quels lieux
ma voix vous a chargé des volontés des cieux ?
Si malgré ses erreurs et son idolâtrie,
des peuples d'orient la Mecque est la patrie ;
si ce temple du monde est promis à ma loi ;
si dieu m'en a créé le pontife et le roi ;
si la Mecque est sacrée, en savez-vous la cause ?
Ibrahim y naquit, et sa cendre y repose ;
Ibrahim, dont le bras, docile à l'éternel,
traîna son fils unique aux marches de l'autel,
étouffant pour son dieu les cris de la nature.
Et quand ce dieu par vous veut venger son injure,
quand je demande un sang à lui seul adressé,
quand dieu vous a choisi, vous avez balancé !
Allez, vil idolâtre, et né pour toujours l'être,
indigne musulman, cherchez un autre maître.
Le prix était tout prêt ; Palmire était à vous ;
mais vous bravez Palmire et le ciel en courroux.
Lâche et faible instrument des vengeances suprêmes,
les traits que vous portez vont tomber sur vous-mêmes ;
fuyez, servez, rampez, sous mes fiers ennemis.

Séide
Je crois entendre dieu ; tu parles : j'obéis.

Mahomet
Obéissez, frappez : teint du sang d'un impie,
méritez par sa mort une éternelle vie.
(à Omar.)
ne l'abandonne pas ; et, non loin de ces lieux,
sur tous ses mouvements ouvre toujours les yeux.

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