ACTE CINQUIÈME - SCÈNE II
Mahomet, Palmire ; suite de Palmire et de Mahomet.
Palmire
Ciel ! Où suis-je ? Ah, grand dieu !
Mahomet
Soyez moins consternée ;
j'ai du peuple et de vous pesé la destinée,
le grand événement qui vous remplit d'effroi,
Palmire, est un mystère entre le ciel et moi.
De vos indignes fers à jamais dégagée,
vous êtes en ces lieux libre, heureuse, et vengée.
Ne pleurez point Séide, et laissez à mes mains
le soin de balancer le destin des humains.
Ne songez plus qu'au vôtre ; et si vous m'êtes chère,
si Mahomet sur vous jeta des yeux de père,
sachez qu'un sort plus noble, un titre encor plus grand,
si vous le méritez, peut-être vous attend.
Portez vos yeux hardis au faîte de la gloire ;
de Séide et du reste étouffez la mémoire ;
vos premiers sentiments doivent tous s'effacer
à l'aspect des grandeurs où vous n'osiez penser.
Il faut que votre coeur à mes bontés réponde,
et suive en tout mes lois, lorsque j'en donne au monde.
Palmire
Qu'entends-je ? Quelles lois, ô ciel ! Et quels bienfaits !
Imposteur teint de sang, que j'abjure à jamais,
bourreau de tous les miens, va, ce dernier outrage
manquait à ma misère, et manquait à ta rage.
Le voilà donc, grand dieu ! Ce prophète sacré,
ce roi que je servis, ce dieu que j'adorai !
Monstre, dont les fureurs et les complots perfides
de deux coeurs innocents ont fait deux parricides ;
de ma faible jeunesse infâme séducteur,
tout souillé de mon sang, tu prétends à mon coeur ?
Mais tu n'as pas encore assuré ta conquête ;
le voile est déchiré, la vengeance s'apprête.
Entends-tu ces clameurs ? Entends-tu ces éclats ?
Mon père te poursuit des ombres du trépas.
Le peuple se soulève ; on s'arme en ma défense ;
leurs bras vont à ta rage arracher l'innocence.
Puissé-je de mes mains te déchirer le flanc,
voir mourir tous les tiens, et nager dans leur sang !
Puissent la Mecque ensemble, et Médine, et l'Asie,
punir tant de fureur et tant d'hypocrisie ?
Que le monde, par toi séduit et ravagé,
rougisse de ses fers, les brise, et soit vengé !
Que ta religion, qui fonda l'imposture,
soit l'éternel mépris de la race future !
Que l'enfer, dont tes cris menaçaient tant de fois
quiconque osait douter de tes indignes lois ;
que l'enfer, que ces lieux de douleur et de rage,
pour toi seul préparés, soient ton juste partage !
Voilà les sentiments qu'on doit à tes bienfaits,
l'hommage, les serments, et les voeux que je fais !
Mahomet
Je vois qu'on m'a trahi ; mais quoi qu'il en puisse être,
et qui que vous soyez, fléchissez sous un maître.
Apprenez que mon coeur…