ACTE TROISIÈME - SCÈNE I
Séide, Palmire.
Palmire
Demeure. Quel est donc ce secret sacrifice ?
Quel sang a demandé l'éternelle justice ?
Ne m'abandonne pas.
Séide
Dieu daigne m'appeler ;
mon bras doit le servir, mon coeur va lui parler.
Omar veut à l'instant, par un serment terrible,
m'attacher de plus près à ce maître invincible ;
je vais jurer à Dieu de mourir pour sa loi,
et mes seconds serments ne seront que pour toi.
Palmire
D'où vient qu'à ce serment je ne suis point présente ?
Si je t'accompagnais, j'aurais moins d'épouvante.
Omar, ce même Omar, loin de me consoler,
parle de trahison, de sang prêt à couler,
des fureurs du sénat, des complots de Zopire.
Les feux sont allumés, bientôt la trêve expire ;
le fer cruel est prêt ; on s'arme, on va frapper ;
le prophète l'a dit, il ne peut nous tromper.
Je crains tout de Zopire, et je crains pour Séide.
Séide
Croirai-je que Zopire ait un coeur si perfide !
Ce matin, comme otage à ses yeux présenté,
j'admirais sa noblesse et son humanité ;
je sentais qu'en secret une force inconnue
enlevait jusqu'à lui mon âme prévenue ;
soit respect pour son nom, soit qu'un dehors heureux
me cachât de son coeur les replis dangereux ;
soit que, dans ces moments où je t'ai rencontrée,
mon âme tout entière à son bonheur livrée,
oubliant ses douleurs, et chassant tout effroi,
ne connût, n'entendît, ne vît plus rien que toi ;
je me trouvais heureux d'être auprès de Zopire.
Je le hais d'autant plus qu'il m'avait su séduire ;
mais malgré le courroux dont je dois m'animer,
qu'il est dur de haïr ceux qu'on voulait aimer !
Palmire
Ah ! Que le ciel en tout a joint nos destinées !
Qu'il a pris soin d'unir nos âmes enchaînées !
Hélas, sans mon amour, sans ce tendre lien,
sans cet instinct charmant qui joint mon coeur au tien,
sans la religion que Mahomet m'inspire,
j'aurais eu des remords en accusant Zopire.
Séide
Laissons ces vains remords, et nous abandonnons
à la voix de ce dieu qu'à l'envi nous servons.
Je sors. Il faut prêter ce serment redoutable ;
le dieu qui m'entendra nous sera favorable ;
et le pontife-roi, qui veille sur nos jours,
bénira de ses mains de si chastes amours.
Adieu. Pour être à toi, je vais tout entreprendre.