ACTE CINQUIÈME - SCÈNE I
Mahomet, Omar ; suite, dans le fond.
Omar
Zopire est expirant, et ce peuple éperdu
levait déjà son front dans la poudre abattu.
Tes prophètes et moi, que ton esprit inspire,
nous désavouons tous le meurtre de Zopire.
Ici, nous l'annonçons à ce peuple en fureur
comme un coup du très-haut qui s'arme en ta faveur ;
là, nous en gémissons ; nous promettons vengeance ;
nous vantons ta justice, ainsi que ta clémence.
Partout on nous écoute, on fléchit à ton nom ;
et ce reste importun de la sédition
n'est qu'un bruit passager de flots après l'orage,
dont le courroux mourant frappe encor le rivage
quand la sérénité règne aux plaines du ciel.
Mahomet
Imposons à ces flots un silence éternel.
As-tu fait des remparts approcher mon armée ?
Omar
Elle a marché la nuit vers la ville alarmée ;
Osman la conduisait par de secrets chemins.
Mahomet
Faut-il toujours combattre, ou tromper les humains !
Séide ne sait point qu'aveugle en sa furie
il vient d'ouvrir le flanc dont il reçut la vie ?
Omar
Qui pourrait l'en instruire ? Un éternel oubli
tient avec ce secret Hercide enseveli ;
Séide va le suivre, et son trépas commence.
J'ai détruit l'instrument qu'employa ta vengeance.
Tu sais que dans son sang ses mains ont fait couler
le poison qu'en sa coupe on avait su mêler.
Le châtiment sur lui tombait avant le crime ;
et tandis qu'à l'autel il traînait sa victime,
tandis qu'au sein d'un père il enfonçait son bras,
dans ses veines, lui-même, il portait son trépas.
Il est dans la prison, et bientôt il expire.
Cependant en ces lieux j'ai fait garder Palmire.
Palmire à tes desseins va même encor servir ;
croyant sauver Séide, elle va t'obéir.
Je lui fais espérer la grâce de Séide.
Le silence est encor sur sa bouche timide ;
son coeur toujours docile, et fait pour t'adorer,
en secret seulement n'osera murmurer.
Législateur, prophète, et roi dans ta patrie,
Palmire achèvera le bonheur de ta vie.
Tremblante, inanimée, on l'amène à tes yeux.
Mahomet
Va rassembler mes chefs, et revole en ces lieux.