ACTE QUATRIÈME - SCÈNE I



Mahomet, Omar.

Omar
Oui, de ce grand secret la trame est découverte ;
ta gloire est en danger, ta tombe est entr'ouverte.
Séide obéira : mais avant que son coeur,
raffermi par ta voix, eût repris sa fureur,
Séide a révélé cet horrible mystère.

Mahomet
ô ciel !

Omar
Hercide l'aime : il lui tient lieu de père.

Mahomet
Eh bien ! Que pense Hercide ?

Omar
Il paraît effrayé ;
il semble pour Zopire avoir quelque pitié.

Mahomet
Hercide est faible ; ami, le faible est bientôt traître.
Qu'il tremble ! Il est chargé du secret de son maître.
Je sais comme on écarte un témoin dangereux.
Suis-je en tout obéi ?

Omar
J'ai fait ce que tu veux.

Mahomet
Préparons donc le reste. Il faut que dans une heure
on nous traîne au supplice, ou que Zopire meure.
S'il meurt, c'en est assez ; tout ce peuple éperdu
adorera mon dieu, qui m'aura défendu.
Voilà le premier pas ; mais sitôt que Séide
aura rougi ses mains de ce grand homicide,
réponds-tu qu'au trépas Séide soit livré ?
Réponds-tu du poison qui lui fut préparé ?

Omar
N'en doute point.

Mahomet
Il faut que nos mystères sombres
soient cachés dans la mort, et couverts de ses ombres.
Mais tout prêt à frapper, prêt à percer le flanc
dont Palmire a tiré la source de son sang,
prends soin de redoubler son heureuse ignorance ;
épaississons la nuit qui voile sa naissance,
pour son propre intérêt, pour moi, pour mon bonheur.
Mon triomphe en tout temps est fondé sur l'erreur.
Elle naquit en vain de ce sang que j'abhorre ;
on n'a point de parents alors qu'on les ignore.
Les cris du sang, sa force, et ses impressions,
des coeurs toujours trompés sont les illusions.
La nature à mes yeux n'est rien que l'habitude ;
celle de m'obéir fit son unique étude ;
je lui tiens lieu de tout. Qu'elle passe en mes bras,
sur la cendre des siens, qu'elle ne connaît pas.
Son coeur même en secret, ambitieux peut-être,
sentira quelque orgueil à captiver son maître.
Mais déjà l'heure approche où Séide en ces lieux
doit m'immoler son père à l'aspect de ses dieux.
Retirons-nous ;

Omar
Tu vois sa démarche égarée ;
de l'ardeur d'obéir son âme est dévorée.

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