ACTE QUATRIÈME - Scène I



(YDACE, LA PRÊTRESSE ; GARDES, dans le fond.)

YDACE
Non, je ne cache plus ma tendresse fatale ;
Je l'aimais, je l'avoue, et l'amour nous égale.
Non, ne ménagez plus ce cœur né pour souffrir ;
J'appris à vivre esclave, et j'apprends à mourir ;
Ne me déguisez rien, je pourrai tout entendre.
Je sais que dans ces lieux le roi devait se rendre ;
C'est un père outragé, c'est un maître absolu :
On dit qu'il a parlé ; mais qu'a-t-il résolu ?

LA PRÊTRESSE
Il flottait incertain ; son âme s'est montrée
De douleur affaiblie, et de sang altérée.
Tantôt par un seul mot il nous glaçait d'horreur,
Et surtout son silence inspirait la terreur ;
Tantôt la profondeur de sa sombre pensée
Échappait aux regards d'une foule empressée.
Il soupire, il menace ; il se calme, il frémit :
Pour le seul Elpénor on croit qu'il s'adoucit.
Autour de lui rangés ses courtisans le craignent,
Et dans son désespoir il en est qui le plaignent.

YDACE
Ils plaignent un tyran ! bas esprits ! vils flatteurs !
Ils n'osent plaindre Argide ! ils lui ferment leurs cœurs !
Ils croiraient faire un crime en prenant sa défense.

LA PRÊTRESSE
L'affliction du maître impose à tous silence.

YDACE (, en poussant un cri et en pleurant.)
Ah ! parlez-moi du moins, répondez à mes cris :
Est-il vrai qu'Agathocle ait condamné son fils ?

LA PRÊTRESSE
Le bruit en a couru.

YDACE
Je me meurs.

LA PRÊTRESSE
Chère Ydace !
Ah ! revenez à vous ! un père qui menace
Ne frappe pas toujours. Ma fille, rassurez,
Ranimez vos esprits par le trouble égarés ;
Écartez de votre âme une image si noire.

YDACE
Argide est condamné !

LA PRÊTRESSE
Non, je ne le puis croire.

YDACE
Je ne le crois que trop… C'en est fait.

LA PRÊTRESSE
C'est ici
Que du sort qui l'attend on doit être éclairci :
L'instant fatal approche ; Agathocle s'avance ;
Il paraît qu'Elpénor lui parle en assurance.
Attendons un moment dans ces lieux retirés ;
Ils furent en tout temps des asiles sacrés :
Méprisés de nos grands, le peuple les révère :
J'y vois déjà venir votre malheureux père.

YDACE
De votre saint asile on viendra l'arracher :
Aux regards du tyran qui pourra se cacher ?

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