ACTE DEUXIÈME - Scène V
(YDACE, LA PRÊTRESSE.)
YDACE
Grands dieux ! qui par ses mains brisez mon joug funeste,
Est-il dans votre Olympe une âme plus céleste ?
Et n'est-ce pas ainsi qu'autrefois les mortels,
En s'approchant de vous, méritaient des autels ?
(A la prêtresse.)
Hélas ! vous faisiez craindre à mon âme offensée
Que sa pure vertu ne fût intéressée !
LA PRÊTRESSE
Je l'admire avec vous ; je crois voir aujourd'hui
Le sang de nos tyrans purifié par lui.
YDACE
On dit qu'il fut nourri dans Sparte et dans Athènes ;
Il en a le courage et les vertus humaines.
Quelle grandeur modeste en offrant ses secours !
Que mon cœur qui m'échappe est plein de ses discours !
Comme en me défendant il s'oubliait lui-même !
A la cour des tyrans est-ce ainsi que l'on aime ?
Je n'ai point à rougir de ses soins généreux ;
Ils ne sont point l'effet d'un transport amoureux :
Ses sentiments sont purs, et je suis sans alarmes.
Oui, mon bonheur commence.
LA PRÊTRESSE
Et vous versez des larmes !
YDACE
Je pleure, je le dois : l'excès de ses bontés,
Sa gloire, sa vertu… tout m'attendrit…
LA PRÊTRESSE
Partez.
YDACE
C'en est fait ; retournons aux lieux qui m'ont vu naître.
Faut-il que je vous quitte ! Ah ! que n'est-il mon maître !
LA PRÊTRESSE
Croyez-moi, chère Ydace ; il vous faut dès ce jour
Fuir ces bords dangereux menacés par l'amour.
Votre cœur attendri veut en vain se contraindre ;
Argide et ses vertus sont pour vous trop à craindre :
Préparons tout, craignons que son frère odieux
Ne ramène le crime en ces funestes lieux.
YDACE
Dieux ! si vous protégez ce cœur faible et timide,
Dieux ! ne permettez pas qu'il ose aimer Argide !
Étouffez dans mon sein ces sentiments secrets
Qui livreraient mes jours à d'éternels regrets,
Et de qui, malgré moi, le charme involontaire
Redoublerait encor ma honte et ma misère !
LA PRÊTRESSE
O cœur pur et sensible, et né dans les malheur !
Va, crains la vertu même, et fuis loin des grandeurs.
(FIN DU DEUXIÈME ACTE.)