ACTE DEUXIÈME - Scène I
(YDASAN, ARGIDE, POLYCRATE, ÉGESTE.)
(Agathocle passe dans le fond du théâtre : il semble parler à ses deux fils Polycrate et Argide ; il est entouré de courtisans et de gardes. Ydasan et Égeste sont sur le devant, près du temple.)
YDASAN
C'est là ce vieux tyran si grand, si redoutable,
Qu'on croit si fortuné ! Son âge qui l'accable,
Son front chargé d'ennuis semble dire aux humains
Que le repos du cœur est loin des souverains.
Est-ce lui dont j'ai vu la misérable enfance
Chez nos concitoyens ramper dans l'indigence ?
Est-ce Agathocle enfin ?… Que d'esclaves brillants
Prêtent leur main servile à ses pas chancelants !
Comme il est entouré ! leur troupe impénétrable
Semble cacher au peuple un monstre inabordable.
Sont-ce là ses deux fils dont tu m'as tant parlé ?
ÉGESTE
Oui ; tu vois Polycrate à l'empire appelé :
On dit qu'il est plus dur et plus inaccessible
Que ce sombre vieillard autrefois si terrible,
Argide est plus affable ; il est grand sans orgueil,
Et sa noble vertu n'a point un rude accueil :
Athène a cultivé ses mœurs et son génie ;
Né d'un tyran illustre, il hait la tyrannie.
Vers ces débris du temple ils s'avancent tous deux :
Saisissons ce moment, osons approcher d'eux ;
Mais surtout souviens-toi que Polycrate est maître.
YDASAN
Devant lui, cher ami, qu'il est dur de paraître !
ÉGESTE
Oublie, en lui parlant, l'esprit républicain.
YDASAN
(Il marche vers Polycrate.)
Prince, vous connaissez les droits du genre humain ?
POLYCRATE
Quel est cet étranger ? quel est ce téméraire ?
YDASAN
Un homme, un citoyen, un vieux soldat, un père.
POLYCRATE
Que me demandes-tu ?
YDASAN
La justice, mon sang.
Je ne crois point blesser l'éclat de votre rang
Mais gardez les traités ; rendez la jeune Ydace,
Reste unique échappé des malheurs de ma race :
J'en apporte le prix.
POLYCRATE (, aux siens.)
Qu'on dérobe à mes yeux
D'un vieillard indiscret l'aspect injurieux.
ARGIDE
Mon frère, il ne vous fait qu'une juste demande.
POLYCRATE
Soldats, qu'on obéisse alors que je commande.
Qu'on l'éloigne.
YDASAN
Ah ! grands dieux, rendez-moi donc le temps
Où ma main vous servait et frappait les tyrans.
Faut-il que de mes ans la triste décadence
Me laisse à leurs genoux expirer sans vengeance !