ACTE II - Scène II
Honorie
Le savez-vous, seigneur, comment je veux qu'on m'aime ?
Et puisque jusqu'à moi vous portez vos souhaits,
Avez-vous su connaître à quel prix je me mets ?
Je parle avec franchise, et ne veux point vous taire
Que vos soins me plairaient, s'il ne fallait que plaire ;
Mais quand cent et cent fois ils seraient mieux reçus,
Il faut pour m'obtenir quelque chose de plus.
Attila m'est promis, j'en ai sa foi pour gage ;
La princesse des Francs prétend même avantage ;
Et bien que sur le choix il semble hésiter,
Étant ce que je suis j'aurais tort d'en douter.
Mais qui promet à deux outrage l'une et l'autre.
J'ai du coeur, on m'offense, examinez le vôtre.
Pourrez-vous m'en venger, pourrez-vous l'en punir ?
Valamir
N'est-ce que par le sang qu'on peut vous obtenir ?
Et faut-il que ma flamme à ce grand coeur réponde
Par un assassinat du plus grand roi du monde,
D'un roi que vous avez souhaité pour époux ?
Ne saurait-on sans crime être digne de vous ?
Honorie
Non, je ne vous dis pas qu'aux dépens de sa tête
Vous vous fassiez aimer, et payiez ma conquête.
De l'aimable façon qu'il vous traite aujourd'hui
Il a trop mérité ces tendresses pour lui ;
D'ailleurs, s'il faut qu'on l'aime, il est bon qu'on le craigne.
Mais c'est cet Attila qu'il faut que je dédaigne.
Pourrez-vous hautement me tirer de ses mains,
Et braver avec moi le plus fier des humains ?
Valamir
Il n'en est pas besoin, madame : il vous respecte,
Et bien que sa fierté vous puisse être suspecte,
À vos moindres froideurs, à vos moindres dégoûts,
Je sais que ses respects me donneraient à vous.
Honorie
Que j'estime assez peu le sang de Théodose
Pour souffrir qu'en moi-même un tyran en dispose,
Qu'une main qu'il me doit me choisisse un mari,
Et me présente un roi comme son favori !
Pour peu que vous m'aimiez, seigneur, vous devez croire
Que rien ne m'est sensible à l'égal de ma gloire.
Régnez comme Attila, je vous préfère à lui ;
Mais point d'époux qui n'ose en dédaigner l'appui,
Point d'époux qui m'abaisse au rang de ses sujettes.
Enfin, je veux un roi : regardez si vous l'êtes ;
Et quoi que sur mon coeur vous ayez d'ascendant,
Sachez qu'il n'aimera qu'un prince indépendant.
Voyez à quoi, seigneur, on connaît les monarques :
Ne m'offrez plus de voeux qui n'en portent les marques ;
Et soyez satisfait qu'on vous daigne assurer
Qu'à tous les rois ce coeur voudrait vous préférer.