ACTE 2 - SCÈNE 4



(VIRIATE, Perpenna, Aufide, Thamire)

VIRIATE
Vous m'aimez, Perpenna ; Sertorius le dit :
Je crois sur sa parole, et lui dois tout crédit.
Je sais donc votre amour ; mais tirez-moi de peine :
Par où prétendez-vous mériter une reine ?
À quel titre lui plaire, et par quel charme un jour
Obliger sa couronne à payer votre amour ?

PERPENNA
Par de sincères vœux, par d'assidus services,
Par de profonds respects, par d'humbles sacrifices ;
Et si quelques effets peuvent justifier…

VIRIATE
Eh bien ! Qu'êtes-vous prêt de lui sacrifier ?

PERPENNA
Tous mes soins, tout mon sang, mon courage, ma vie.

VIRIATE
Pourriez-vous la servir dans une jalousie ?

PERPENNA
Ah ! Madame…

VIRIATE
À ce mot en vain le cœur vous bat :
Elle n'est pas d'amour, elle n'est que d'état.
J'ai de l'ambition, et mon orgueil de reine
Ne peut voir sans chagrin une autre souveraine,
Qui sur mon propre trône à mes yeux s'élevant,
Jusque dans mes états prenne le pas devant.
SERTORIUS y règne, et dans tout notre empire
Il dispense des lois où j'ai voulu souscrire :
Je ne m'en repens point, il en a bien usé ;
Je rends grâces au ciel qui l'a favorisé.
Mais pour vous dire enfin de quoi je suis jalouse,
Quel rang puis-je garder auprès de son épouse ?
ARISTIE y prétend, et l'offre qu'elle fait,
Ou que l'on fait pour elle, en assure l'effet.
Délivrez nos climats de cette vagabonde,
Qui vient par son exil troubler un autre monde ;
Et forcez-la sans bruit d'honorer d'autres lieux
De cet illustre objet qui me blesse les yeux.
Assez d'autres états lui prêteront asile.

PERPENNA
Quoi que vous m'ordonniez, tout me sera facile ;
Mais quand Sertorius ne l'épousera pas,
Un autre hymen vous met dans le même embarras,
Et qu'importe, après tout, d'une autre ou d'Aristie,
Si…

VIRIATE
Rompons, Perpenna, rompons cette partie :
Donnons ordre au présent ; et quant à l'avenir,
Suivant l'occasion nous saurons y fournir.
Le temps est un grand maître, il règle bien des choses.
Enfin je suis jalouse, et vous en dis les causes.
Voulez-vous me servir ?

PERPENNA
Si je le veux ? J'y cours,
Madame, et meurs déjà d'y consacrer mes jours.
Mais pourrai-je espérer que ce faible service
Attirera sur moi quelque regard propice,
Que le cœur attendri fera suivre…

VIRIATE
Arrêtez !
Vous porteriez trop loin des vœux précipités.
Sans doute un tel service aura droit de me plaire ;
Mais laissez-moi, de grâce, arbitre du salaire :
Je ne suis point ingrate, et sais ce que je dois ;
Et c'est vous dire assez pour la première fois.
Adieu.

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