ACTE 5 - SCÈNE 6



(POMPÉE, Perpenna, Viriate, Aristie, Celsus, Arcas, Thamire)

PERPENNA
Seigneur, vous aurez su ce que je viens de faire.
Je vous ai de la paix immolé l'adversaire,
L'amant de votre femme, et ce rival fameux
Qui s'opposait partout au succès de vos vœux.
Je vous rends Aristie, et finis cette crainte
Dont votre âme tantôt se montrait trop atteinte ;
Et je vous affranchis de ce jaloux ennui
Qui ne pouvait la voir entre les bras d'autrui.
Je fais plus : je vous livre une fière ennemie,
Avec tout son orgueil et sa Lusitanie ;
Je vous en ai fait maître, et de tous ces Romains
Que déjà leur bonheur a remis en vos mains.
Comme en un grand dessein, et qui veut promptitude,
On ne s'explique pas avec la multitude,
Je n'ai point cru, Seigneur, devoir apprendre à tous
Celui d'aller demain me rendre auprès de vous ;
Mais j'en porte sur moi d'assurés témoignages.
Ces lettres de ma foi vous seront de bons gages ;
Et vous reconnaîtrez, par leurs perfides traits,
Combien Rome pour vous a d'ennemis secrets,
Qui tous, pour Aristie enflammés de vengeance,
Avec Sertorius étaient d'intelligence.
Lisez…
(Il lui donne les lettres qu'Aristie avait apportées de Rome à Sertorius.)

ARISTIE
Quoi ? Scélérat ! Quoi ? Lâche ! Oses-tu bien…

PERPENNA
Madame, il est ici votre maître et le mien ;
Il faut en sa présence un peu de modestie,
Et si je vous oblige à quelque repartie,
La faire sans aigreur, sans outrages mêlés,
Et ne point oublier devant qui vous parlez.
Vous voyez là, Seigneur, deux illustres rivales,
Que cette perte anime à des haines égales.
Jusques au dernier point elles m'ont outragé ;
Mais puisque je vous vois, je suis assez vengé.
Je vous regarde aussi comme un dieu tutélaire ;
Et ne puis… Mais, ô Dieux ! Seigneur, qu'allez-vous faire ?

POMPÉE
(, après avoir brûlé les lettres sans les lire.)
Montrer d'un tel secret ce que je veux s'avoir.
Si vous m'aviez connu, vous l'auriez su prévoir.
Rome en deux factions trop longtemps partagée
N'y sera point pour moi de nouveau replongée ;
Et quand Sylla lui rend sa gloire et son bonheur,
Je n'y remettrai point le carnage et l'horreur.
Oyez, Celsus.
(Il lui parle à l'oreille.)
Surtout empêchez qu'il ne nomme
Aucun des ennemis qu'elle m'a faits à Rome.
(À Perpenna.)
Vous, suivez ce tribun : j'ai quelques intérêts
Qui demandent ici des entretiens secrets.

PERPENNA
Seigneur, se pourrait-il qu'après un tel service…

POMPÉE
J'en connais l'importance, et lui rendrai justice.
Allez.

PERPENNA
Mais cependant leur haine…

POMPÉE
C'est assez.
Je suis maître ; je parle ; allez, obéissez.

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