ACTE III - SCÈNE II



Rodogune, Oronte.

RODOGUNE
Que ferons-nous, Oronte, en ce péril extrême,
Où l'on fait de mon sang le prix d'un diadème ?
Fuirons-nous chez mon frère ? Attendrons-nous la mort,
Ou ferons-nous contre elle un généreux effort ?

ORONTE
Notre fuite, madame, est assez difficile :
J'ai vu des gens de guerre épandus par la ville.
Si l'on veut votre perte, on vous fait observer ;
Ou s'il vous est permis encore de vous sauver,
L'avis de Laonice est sans doute une adresse :
Feignant de vous servir elle sert sa maîtresse.
La reine, qui surtout craint de vous voir régner,
Vous donne ces terreurs pour vous faire éloigner ;
Et pour rompre un hymen qu'avec peine elle endure,
Elle en veut à vous-même imputer la rupture.
Elle obtiendra par vous le but de ses souhaits,
Et vous accusera de violer la paix ;
Et le roi, plus piqué contre vous que contre elle,
Vous voyant lui porter une guerre nouvelle,
Blâmera vos frayeurs et nos légèretés,
D'avoir osé douter de la foi des traités ;
Et peut-être, pressé des guerres d'Arménie,
Vous laissera moquée, et la reine impunie.
À ces honteux moyens gardez de recourir :
C'est ici qu'il vous faut ou régner ou périr.
Le ciel pour vous ailleurs n'a point fait de couronne,
Et l'on s'en rend indigne alors qu'on l'abandonne.

RODOGUNE
Ah ! Que de vos conseils j'aimerais la vigueur,
Si nous avions la force égale à ce grand coeur !
Mais pourrons-nous braver une reine en colère
Avec ce peu de gens que m'a laissés mon frère ?

ORONTE
J'aurais perdu l'esprit si j'osais me vanter
Qu'avec ce peu de gens nous pussions résister :
Nous mourrons à vos pieds ; c'est toute l'assistance
Que vous peut en ces lieux offrir notre impuissance ;
Mais pouvez-vous trembler quand dans ces mêmes lieux
Vous portez le grand maître et des rois et des dieux ?
L'amour fera lui seul tout ce qu'il vous faut faire.
Faites-vous un rempart des fils contre la mère ;
Ménagez bien leur flamme, ils voudront tout pour vous ;
Et ces astres naissants sont adorés de tous.
Quoi que puisse en ces lieux une reine cruelle,
Pouvant tout sur ses fils, vous y pouvez plus qu'elle.
Cependant trouvez bon qu'en ces extrémités
Je tâche à rassembler nos Parthes écartés :
Ils sont peu, mais vaillants, et peuvent de sa rage
Empêcher la surprise et le premier outrage.
Craignez moins, et surtout, madame, en ce grand jour,
Si vous voulez régner, faites régner l'amour.

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