ACTE II - Scène VII



(M. DURU, LE MARQUIS sortant de l'appartement de MAD. DURU en lui parlant tout haut.)

Le Marquis
Adieu, Madame.
Ah ! que je fuis heureux !

M. Duru
Et beaucoup trop. J'en tien.

Le Marquis
Adieu, jusqu'à ce soir.

M. Duru
Ce foir encor ? Fort bien.
Comme de la maison je vois ici deux maîtres, L'un des deux pourrait bien sortir par les fenêtres On ne me connaît pas ; gardons-nous d'éclater.

Le Marquis
Quelqu'un parle, je crois.

M. Duru
Je n'en saurais douter.
Volets fermés, au lit ; rendez-vous ; porte close ; La suivante à mon nez complice de la chose !

Le Marquis
Quel est cet homme —là qui jure entre ses dents

M. Duru
Mon fait est net & clair.

Le Marquis
Il paraît hors de feus,.

M. Duru
J'aurais mieux fait, ma foi, de rester à Surate t Avec tout mon argent. Ah traître ! ah scélérate !

Le Marquis
Qu'avez — vous donc, Monsieur, qui parlez seul ainsi ?

M. Duru
Mais j'étais étonné que vous fussiez ici.

Le Marquis
Et pourquoi, mon ami ?

M. Duru
Monsieur Duru, peut — être Ne ferait pas content de vous y voir paraître.

Le Marquis
Lui mécontent de moi ? Qui vous a dit cela ?

M. Duru
Des gens bien informés. Ce Monsieur Duru — là, Chez qui vous avez pris des façons si commodes, Le connaissez-vous ?

Le Marquis
Non : il est aux Antipodes, Dans les Indes, je crois, cousu d'or & d'argent.

M. Duru
Mais vous connaissez fort Madame ?

Le Marquis
Apparemment : Sa bonté m'est toûjours précieuse & nouvelle, Et je fais mon bonheur de vivre ici près d'elle.
Si vous avez besoin de sa protection, Parlez, j'ai du crédit, je crois, dans la maison.

M. Duru
Je le vois. De Monsieur je fuis l'homme d'affaires.

Le Marquis
Ma foi, de ces gens-là je ne me mêle guères.
Soyez le bien venu ; prenez surtout le foin D'apporter quelqu'argent dont nous avons besoin.
Bon foir.

M. Duru
(à part.)
J'enfermerai dans peu ma chère femme.
(Au Marquis.)
Que l'enfer. Mais, Monsieur, qui gouvernez Madame, La chambre de sa fille est-elle près d'ici ?

Le Marquis
Tout auprès, & j'y vais. Oui, l'ami, la voici.
(Il entre chez Erise & ferme la porte.)

M. Duru
Cet homme est nécessaire à toute ma famille : Il fort de chez ma femme, & s'en va chez ma fille.
Je n'y puis plus tenir, & je succombe enfin.
Justice ! je fuis mort.

Autres textes de Voltaire

Oedipe

"Œdipe" de Voltaire est une réinterprétation de la tragédie grecque classique d'Œdipe. Écrite en 1718, cette pièce se concentre sur le roi Œdipe de Thèbes, qui cherche désespérément à élucider...

Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète

"Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète" est une tragédie de Voltaire écrite en 1739. Cette pièce est une critique du fanatisme religieux et de la manipulation des masses. Elle raconte...

Irène

"Irène" est la dernière tragédie écrite par Voltaire, achevée peu de temps avant sa mort en 1778. Cette pièce historique se déroule à Constantinople en 1453, lors du siège et...

Alzire, ou les Américains

"Alzire, ou les Américains" est une tragédie de Voltaire, écrite en 1736. Cette pièce se déroule au Pérou, à l'époque de la conquête espagnole, et elle explore les thèmes du...

Agathocle

"Agathocle" est une tragédie de Voltaire, écrite en 1777. Cette pièce s'inspire de la vie d'Agathocle (361-289 av. J.-C.), qui fut un tyran et plus tard roi de Syracuse, en...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024