(La salle de visite au Louvre Hydrothérapique. Au fond, grande baie à jour, de toute la largeur de la scène donnant sur une cour. Une grille, également de toute la largeur de la scène, sépare la salle de visite de la cour. Porte d'entrée au fond, au milieu de la grille. À droite, second plan, une porte donnant dans la salle de douche. À gauche, deuxième plan, une porte vitrée avec des petits rideaux blancs. À droite et à gauche, premier plan, une baignoire placée parallèlement au mur, de façon à ce que les baigneurs soient face au public. Robinets autant que possible fonctionnant ; de chaque côté également, un paravent se développant du manteau d'arlequin auquel il est fixé, vers le fond. À droite de la porte d'entrée, contre la grille, une pomme de douche fonctionnant. À gauche de la porte d'entrée une petite table et une chaise. Tabouret auprès de chaque baignoire, tabourets dans le fond.)
(GÉVAUDAN LAURE, ALFRED ) (Au lever du rideau, Alfred, Laure et Gévaudan font irruption par le fond, poussés violemment par Plucheux qui referme la grille sur eux.)ALFREDEh bien, voyons !… qu'est-ce que c'est que ces manières ?
LAUREEspèce de brutal !
GÉVAUDANOh ! mais ce cérémonial commence à me fatiguer !
ALFREDLe fait est que c'est d'un compliqué, de se marier à Paris !
GÉVAUDANJe comprends qu'il y ait tant de ménages irréguliers !
LAUREOn ne se marie pas tous les jours !
GÉVAUDANEnfin quel besoin Saint-Galmier avait-il de nous envoyer à sa campagne !… Nous étions aussi bien à Paris !… Avec ça qu'elle a l'air folichon sa campagne !… pas une fleur !… le tout dans quatre murs !… À Loches nous ne faisons pas tant de manières !… Nous appelons ça une cour.
LAUREEt comme c'est meublé ici ! regarde-moi ça !… Qu'est-ce que c'est que ça ?
ALFREDC'est probablement la petite mairie !…
LAUREAh ! c'est vrai !… Et voilà les fonts baptismaux !
GÉVAUDANNon ! je crois que c'est ce qu'on appelle à Paris une baignoire !
ALFREDC'est égal ! nous l'aurons gagné, notre mariage !…
LAURESans compter que je me demande pourquoi ces formalités ne sont que pour nous !
GÉVAUDANParbleu ! ils profitent de notre ignorance des us pour carotter !
ALFREDZus ?… Qu'est-ce que c'est qu'un zus ?
GÉVAUDANC'est un mot technique !
LAURETé… ?
GÉVAUDAN… chnique ! Entre nous, voulez-vous que je vous dise ? Eh bien ! je commence à en avoir plein le dos de ces prétendus-là !
ALFREDEt moi donc, de ma vieille ! avec sa troisième personne !
GÉVAUDANJe crois qu'on nous a collé des rossignols à l'agence.
LAUREQuand il aurait été si simple de nous marier à Loches !
GÉVAUDANLe fait est qu'un Lochois, ce n'est peut-être pas très brillant, mais au moins c'est à la bonne franquette !
ALFREDEt ça ne cherche pas à vous épater avec des campagnes en bitume !…
GÉVAUDAN(les prenant tous deux confidentiellement par le bras.) Savez-vous ? Eh bien, nous allons les planter là, nos prétendus !
ALFREDOui ! ça leur apprendra à faire les malins !
LAUREC'est dit !… Allons-nous-en !
(Ils remontent tous les trois jusqu'à la grille du fond.)GÉVAUDAN(essayant d'ouvrir.) Ah ! sapristi ! La mairie est fermée !
ALFREDC'est probablement une erreur de l'employé ; mais où est-il ?
GÉVAUDANJe sais ! il doit être avec la dame Michette qui n'a cessé de s'évanouir dans la calèche.
ALFREDQuelle calèche ! C'est un omnibus !
GÉVAUDANCalèche ! omnibus ! il n'y a pas d'orthographe pour les noms propres ! Tiens, sonne-le ! Tu as la sonnette sous la main.
(Il lui indique le cordon de la douche, à droite.)ALFREDAttends ! Ah ! que c'est bête ! ils ont mis des sonnettes qui mouillent.
GÉVAUDANC'est probablement des sonnettes hydrothérapiques.
ALFREDJe suis trempé ! Où m'essuyer ?
LAURE(se tâtant.) Je n'ai rien ! Tu n'as pas une serviette sur toi ?
GÉVAUDANUne serviette ?
LAUREEnfin, un drap ! quelque chose !
ALFRED(allant à la fenêtre et détachant le petit rideau blanc.) Ah ! voilà du linge.
(Il s'entortille la tête avec le rideau, sans en avoir retiré la tringle qui pend derrière sa tête.)GÉVAUDANAh çà ! mais cet employé ne vient pas ! Hé ! l'employé !
TOUS(sur l'air des Lampions.) L'employé ! l'employé !