ACTE TROISIÈME - Scène XII



(Les acteurs précédents, excepté BASILE.)

Bartholo (d'un ton important.)
Cet homme-là n'est pas bien du tout.

Rosine
Il a les yeux égarés.

Le Comte
Le grand air l'aura saisi.

Figaro
Avez-vous vu comme il parlait tout seul ? Ce que c'est que de nous ! (À Bartholo.)
Ah çà, vous décidez-vous, cette fois ?
(Il lui pousse un fauteuil très loin du comte, et lui présente le linge.)

Le Comte
Avant de finir, madame, je dois vous dire un mot essentiel au progrès de l'art que j'ai l'honneur de vous enseigner.
(Il s'approche, et lui parle bas à l'oreille.)

Bartholo (à Figaro.)
Eh mais ! il semble que vous le fassiez exprès de vous approcher, et de vous mettre devant moi pour m'empêcher de voir…

Le Comte ( bas à Rosine.)
Nous avons la clef de la jalousie, et nous serons ici à minuit.

Figaro (passe le linge au cou de Bartholo.)
Quoi voir ? Si c'était une leçon de danse, on vous passerait d'y regarder ; mais du chant !… ahi, ahi !

Bartholo
Qu'est-ce que c'est ?

Figaro
Je ne sais ce qui m'est entré dans l'œil.
(Il rapproche sa tête.)

Bartholo
Ne frottez donc pas !

Figaro
C'est le gauche. Voudriez-vous me faire le plaisir d'y souffler un peu fort ?
(Bartholo prend la tête de Figaro, regarde par-dessus, le pousse violemment, et va derrière les amants écouter leur conversation.)

Le Comte (bas à Rosine.)
Et quant à votre lettre, je me suis trouvé tantôt dans un tel embarras pour rester ici…

Figaro (de loin, pour avertir.)
Hem ! hem !…

Le Comte
Désolé de voir encore mon déguisement inutile…

Bartholo (passant entre eux deux.)
Votre déguisement inutile !

Rosine (effrayée.)
Ah !…

Bartholo
Fort bien, madame, ne vous gênez pas. Comment ! sous mes yeux mêmes, en ma présence, on m'ose outrager de la sorte !

Le Comte
Qu'avez-vous donc, seigneur ?

Bartholo
Perfide Alonzo !

Le Comte
Seigneur Bartholo, si vous avez souvent des lubies comme celle dont le hasard me rend témoin, je ne suis plus étonné de l'éloignement que mademoiselle a pour devenir votre femme.

Rosine
Sa femme ! moi ! passer mes jours auprès d'un vieux jaloux qui, pour tout bonheur, offre à ma jeunesse un esclavage abominable !

Bartholo
Ah ! qu'est-ce que j'entends ?

Rosine
Oui, je le dis tout haut : je donnerai mon cœur et ma main à celui qui pourra m'arracher de cette horrible prison, où ma personne et mon bien sont retenus contre toute justice.
(Rosine sort.)

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