ACTE QUATRIÈME - Scène V
(LE COMTE ; FIGARO, enveloppé d'un manteau, paraît à la fenêtre.)
Figaro (parle en dehors.)
Quelqu'un s'enfuit ; entrerai-je ?
Le Comte (en dehors.)
Un homme ?
Figaro
Non.
Le Comte
C'est Rosine, que ta figure atroce aura mise en fuite.
Figaro (saute dans la chambre.)
Ma foi, je le crois… Nous voici enfin arrivés, malgré la pluie, la foudre et les éclairs.
Le Comte (enveloppé d'un long manteau.)
Donne-moi la main. (Il saute à son tour.)
À nous la victoire !
Figaro (jette son manteau.)
Nous sommes tout percés. Charmant temps pour aller en bonne fortune ! Monseigneur, comment trouvez-vous cette nuit ?
Le Comte
Superbe pour un amant.
Figaro
Oui, mais pour un confident ?… Et si quelqu'un allait nous surprendre ici ?
Le Comte
N'es-tu pas avec moi ? J'ai bien une autre inquiétude : c'est de la déterminer à quitter sur-le-champ la maison du tuteur.
Figaro
Vous avez pour vous trois passions toutes-puissantes sur le beau sexe : l'amour, la haine et la crainte.
Le Comte (regarde dans l'obscurité.)
Comment lui annoncer brusquement que le notaire l'attend chez toi pour nous unir ? Elle trouvera mon projet bien hardi ; elle va me nommer audacieux.
Figaro
Si elle vous nomme audacieux, vous l'appellerez cruelle. Les femmes aiment beaucoup qu'on les appelle cruelles. Au surplus, si son amour est tel que vous le désirez, vous lui direz qui vous êtes ; elle ne doutera plus de vos sentiments.