ARLEQUIN, FRONTIN.
ARLEQUIN
Puisqu'il me paie des injures, voyez combien je gagnerais avec lui, si je lui apportais des compliments… (Il chante.)
Ta la la ta ra ra la.
FRONTIN
Voilà de jolies paroles que tu chantes là.
ARLEQUIN
Je n'en sais point d'autres. Allons, divertis-moi : ton maître t'a chargé de cela, fais-moi rire.
FRONTIN
Veux-tu que je chante aussi ?
ARLEQUIN
Je ne suis pas curieux de symphonie.
FRONTIN
De symphonie ! Est-ce que tu prends ma voix pour un orchestre ?
ARLEQUIN
C'est qu'en fait de musique, il n'y a que le tambour qui me fasse plaisir.
FRONTIN
C'est-à-dire que tu es au concert, quand on bat la caisse.
ARLEQUIN
Oh ! je suis à l'Opéra.
FRONTIN
Tu as l'oreille martiale. Avec quoi te divertirai-je donc ? Aimes-tu les contes des fées ?
ARLEQUIN
Non, je ne me soucie ni de comtes ni de marquis.
FRONTIN
Parlons donc de boire.
ARLEQUIN
Montre-moi le sujet du discours.
FRONTIN
Le vin, n'est-ce pas ? On l'a mis au frais.
ARLEQUIN
Qu'on l'en retire, j'aime à boire chaud.
FRONTIN
Cela est malsain ; parlons de ta maîtresse.
ARLEQUIN (brusquement)
Expédions la bouteille.
FRONTIN
Doucement ! je n'ai pas le sol, mon garçon.
ARLEQUIN
Ce misérable ! Et du crédit ?
FRONTIN
Avec cette mine-là, où veux-tu que j'en trouve ? Mets-toi à la place du marchand de vin.
ARLEQUIN
Tu as raison, je te rends justice : on ne saurait rien emprunter sur cette grimace-là.
FRONTIN
Il n'y a pas moyen, elle est trop sincère ; mais il y a remède à tout : paie, et je te le rendrai.
ARLEQUIN
Tu me le rendras ? Mets-toi à ma place aussi, le croirais-tu ?
FRONTIN
Non, tu réponds juste ; mais paie en pur don, par galanterie, sois généreux…
ARLEQUIN
Je ne saurais, car je suis vilain : je n'ai jamais bu à mes dépens.
FRONTIN
Morbleu ! que ne sommes-nous à Paris, j'aurais crédit.
ARLEQUIN
Eh ! que fait-on à Paris ? Parlons de cela, faute de mieux : est-ce une grande ville ?
FRONTIN
Qu'appelles-tu une ville ? Paris, c'est le monde ; le reste de la terre n'en est que les faubourgs.
ARLEQUIN
Si je n'aimais pas Lisette, j'irais voir le monde.
FRONTIN
Lisette, dis-tu ?
ARLEQUIN
Oui, c'est ma maîtresse.
FRONTIN
Dis donc que ce l'était, car je te l'ai soufflée hier.
ARLEQUIN
Ah ! maudit souffleur ! Ah ! scélérat ! Ah ! chenapan !
L'Île des esclaves, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, se déroule sur une île utopique où les rapports sociaux sont inversés pour rétablir la justice. L'intrigue débute...
L'Île de la raison, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1727, se déroule sur une île imaginaire gouvernée par la raison et la vérité, où les habitants vivent...
L'Heureux Stratagème, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1733, raconte les manœuvres subtiles de deux amants pour raviver leur amour mis à l'épreuve. La marquise et le chevalier,...
L'Héritier de village, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, raconte les mésaventures d’un jeune homme naïf, Eraste, nouvellement désigné comme héritier d’un riche villageois. L’histoire se déroule...
Les Serments indiscrets, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les contradictions de l’amour et de la parole donnée. L’intrigue tourne autour de Lucile et Damis, deux...