ACTE V - Scène III
(Alexis, irène, zoé.)
Irène
Un des soldats qui l'accompagnent lui approche un fauteuil.
Un siége… je succombe. En ces lieux écartés
Attendez-moi, soldats… alexis, écoutez.
D'une voix inégale, entrecoupée, mais ferme autant que douloureuse.
Sachant ce que je souffre, et voyant ce que j'ose,
D'un pareil entretien vous pénétrez la cause,
Et l'on saura bientôt si j'ai dû vous parler :
D'un reproche assez grand je puis vous accabler ;
Mais l'excès du malheur affaiblit la colère.
Teint du sang d'un époux vous m'enlevez un père ;
Vous cherchez contre vous encore à soulever
Cet empire et ce ciel que vous osez braver.
Je vois l'emportement de votre affreux délire
Avec cette pitié qu'un frénétique inspire ;
Et je ne viens à vous que pour vous retirer
Du fond de cet abîme où je vous vois entrer.
Je plaignais de vos sens l'aveuglement funeste :
On ne peut le guérir… un seul parti me reste.
Allez trouver mon père, implorez son pardon ;
Revenez avec lui : peut-être la raison,
Le devoir, l'amitié, l'intérêt qui nous lie,
La voix du sang qui parle à son âme attendrie,
Rapprocheront trois coeurs qui ne s'accordaient pas.
Un moment peut finir tant de tristes combats.
Allez : ramenez-moi le vertueux Léonce ;
Sur mon sort avec vous que sa bouche prononce :
Puis-je y compter ?
Alexis
J'y cours, sans rien examiner.
Ah ! Si j'osais penser qu'on pût me pardonner,
Je mourrais à vos pieds de l'excès de ma joie.
Je vole aveuglément où votre ordre m'envoie ;
Je vais tout réparer : oui, malgré ses rigueurs,
Je veux qu'avec ma main sa main sèche vos pleurs.
Irène, croyez-moi ; ma vie est destinée
À vous faire oublier cette affreuse journée :
Votre père adouci ne reverra dans moi
Qu'un fils tendre et soumis, digne de votre foi.
Si trop de sang pour vous fut versé dans la Thrace,
Mes bienfaits répandus en couvriront la trace ;
Si j'offensai Léonce, il verra tout l'état
Expier avec moi cet indigne attentat.
Vous régnerez tous deux : ma tendresse n'aspire
Qu'à laisser dans ses mains les rênes de l'empire.
J'en jure les héros dont nous tenons le jour,
Et le ciel qui m'entend, et vous, et mon amour.
Irène, en s'attendrissant et en retenant ses larmes.
Allez ; ayez pitié de cette infortunée :
Le ciel vous l'arracha ; pour vous elle était née.
Allez, prince.
Alexis
Ah ! Grand dieu, témoin de ses bontés,
Je serai digne enfin de mon bonheur !
Irène
Partez.
(Il sort.)
(En pleurant.)
Suivez ses pas, Zoé, si fidèle et si chère.