Acte III - Scène 8[modifier]
Sophie (entrant de droite, premier plan.)
Monsieur, il y a Gusman…
Ribadier
Allez au diable, vous !
Sophie
Hein ?
Gusman (entrant.)
C'est moi, Monsieur, je venais prendre les ordres pour atteler.
Ribadier
Il n'y a pas d'ordres, allez !
Thommereux
Il n'y a pas d'ordres, allez !
Gusman (à part)
De quoi se mêle-t-il, l'ami !
(Il se retourne pour s'en aller et laisse voir la patte de son gilet dont la boucle est absente.)
Ribadier (poussant un cri.)
Ah !
Gusman, Thommereux et Sophie
Quoi ?
Ribadier
Regarde donc la boucle ! Lui ! Elle n'y est plus !
Thommereux
Hein ?
Gusman (à Sophie.)
Qu'est-ce qu'ils ont ?
Thommereux
Le cocher !
Ribadier (se précipitant à la gorge de Gusman et le faisant passer au milieu.)
Ah ! misérable !
Thommereux (même jeu.)
Assassin !
Gusman
Ah ! Mon dieu !
Ribadier et Thommereux (le secouant.)
Ah ! c'est toi ! Ah ! c'est toi !
Gusman
Mais oui, c'est moi !
Ribadier (froidement à Thommereux et lâchant Gusman.)
Je vais l'étrangler !
Gusman et Sophie
Hein !
Ribadier (à Sophie.)
Laissez-nous !
Gusman
Oui, Monsieur !
Ribadier
Voulez-vous rester, vous ! (À Sophie.)
C'est à vous que je parle ! Allez !
Sophie
Oui, Monsieur ! (À part.)
Qu'est-ce qu'ils vont lui faire, mon dieu !
(Elle sort à droite, premier plan. Thommereux fait asseoir Gusman sur le pouf.)
Ribadier
Et dire que cet homme, là, le suborneur de… Il est là, le voilà…
Thommereux
Le voilà !
Gusman (à part.)
Qu'est-ce qu'ils ont à me dévisager !
(Les voyant le regarder, il sourit pour se donner une contenance.)
Ribadier
Regarde-le… il sourit… il a l'audace de sourire… Je vais le tuer !
Gusman (se levant et gagnant la gauche.)
Hein ! Eh ! là !
Thommereux (arrêtant Ribadier.)
Pas encore !… Avant tout, il faut savoir… l'interroger, sans avoir l'air…
Ribadier
Oui !
Thommereux
Il s'agit d'être diplomate ! Laisse-moi faire ! J'ai été consul à Batavia.
Ribadier
Va !
Thommereux (s'asseyant sur le pouf.)
Avancez, vous ! (Gusman s'avance craintivement.)
Ah ! çà ! cocher ! est-ce que vous ne seriez pas, pas hasard, le séducteur de madame…
Ribadier (l'arrêtant.)
Hein ! Veux-tu te taire ! (il le fait passer à droite.)
C'est ça que tu appelles de la diplomatie !
Thommereux
Comment, mais c'est très fort ! Il allait être pris !
Ribadier (s'asseyant sur le pouf.)
Ah ! Tais-toi ! Tiens, laisse-moi faire (À Gusman.)
Approchez ! Connaissez-vous ça ?
Gusman
La boucle de mon gilet…
Ribadier (se levant.)
Sa boucle ! Il la reconnaît ! C'est sa boucle !
Gusman
Mais oui ! Oh ! bien, ce que je l'ai cherchée !
Ribadier (le prenant au collet.)
Ah ! C'est ta boucle, gredin !
Gusman
Allons, bon ! ça le reprend !
Ribadier
C'est toi, n'est-ce pas, qui escaladais cette croisée tous les soirs, quand je n'étais pas là ?
Gusman
Monsieur sait !
Ribadier
Tout !
Thommereux
Tout !
Ribadier
Tu venais pour une femme, hein, tu venais pour une femme, allons, avoue !
Gusman
Oh ! Monsieur… La galanterie… Je suis gentleman…
Ribadier (réprimant un mouvement de colère.)
Ouh !… Allons ! Allons ! Cinquante francs pour toi ?
Gusman (digne.)
C'est bien !
Ribadier
Alors, c'est toi qui venais. Ici dans l'obscurité ?
Gusman
C'était moi !
Ribadier
Tu avais bien soin de ne pas relever la lampe !
Gusman
J'allais aussi bien à tâtons !
Ribadier et Thommereux
Oh !
Ribadier
Et tu as osé… La pauvre innocente, par la violence… en dehors de sa volonté !…
Gusman
Quoi ?
Ribadier
Je dis par la violence !
Gusman
Allons donc ! C'est elle qui me faisait des avances !
Ribadier et Thommereux
Hein ?
Ribadier
Infamie !
Thommereux
Oh ! Angèle !
Gusman (à part.)
Quelle affaire pour une bonne !
Ribadier (avec désespoir.)
C'est elle qui lui a fait des avances !
Gusman
Elle a toujours eu un faible pour les cochers !
Thommereux
Oh !…
(Il remonte et descend à gauche.)
Ribadier
Ah ! Taisez-vous !… (À part.)
La misérable !… (Désignant la porte du 1er plan de droite. Haut.)
Tiens ! Va par là ! Et attends que je vienne te chercher, tu m'entends !
Gusman
Et mes cinquante francs, Monsieur !
Ribadier
Tes cinquante francs ! Tu me… Et il te faudrait encore un pourboire !
Thommereux
C'est de l'impudence !
Ribadier
Veux-tu aller par là !