Acte II - Scène 5
Ribadier (seul.)
Ouf ! Quelle affaire ! Réveillée… Elle était réveillée ! Mais comment ?… Elle n'a pu se réveiller toute seule… Ça ne lui est jamais arrivé… Quelqu'un se sera donc permis… Oh ! le gredin… le misérable !…
Thommereux (passant la tête par le fond.)
On peut entrer ?
Ribadier
Ah ! mon ami, entre ! entre !
Thommereux (à part.)
Son ami ! Il ne sait rien !
Ribadier
Si tu savais ce qui m'arrive ! Ma femme ! Ma femme qui a été réveillée pendant mon absence !
Thommereux
Non ?
Ribadier
Si !
Thommereux
Tu ne me feras jamais croire ça !
Ribadier
Et par qui ? Je te le demande ! (Voyant la fenêtre ouverte.)
Dieu ! La fenêtre ouverte. C'est par là qu'il sera entré !
Thommereux
Qui ?
Ribadier
Le polisson ! Le polisson ! qui m'a réveillé ma femme ! (Saisissant Thommereux à la gorge.)
Ah ! je voudrais le tenir comme je te tiens, le misérable…
Thommereux
Eh, là ! Eh, là ! Mais tu me fais mal !
Ribadier (le lâchant.)
Oh ! Mais je le retrouverai ! et je te jure qu'il passera un mauvais quart d'heure !
Thommereux
Ah ! (À part.)
Décidément, je crois que je ferais bien de retourner à Batavia.
Ribadier
Songe donc qu'à cause de lui, ma femme a tout entendu !… que j'ai dû faire des vers…
Thommereux (qui ne comprend pas.)
Ah !
Ribadier
Non, mais tu vois ce que ça peut être, des vers faits par un ingénieur !… Il y en avait de trop courts… il y en avait de trop longs…
Thommereux
Ça faisait une compensation !
Ribadier
C'est égal ! on a bien raison de dire que tout homme a au fond de soi un poète qui sommeille !
Thommereux
Permets ! On n'a jamais dit un poète ! On a dit : "Un cochon".
Ribadier
Tu crois ?… Enfin, je savais bien que c'était quelque chose comme ça !…
Thommereux (à part.)
Je ne comprends pas un mot de ce qu'il me raconte…
Ribadier
Ah ! Je m'en souviendrai de celle-là !