Lorsque j’aurai cessé dans la vie infidèle
De respirer le jour, les feuilles et les eaux,
Je laisserai mon ombre aux nymphes immortelles,
À Rhodope, à Mélite, à la tendre Praxô.
Elles viendront, les trois joueuses de théorbe,
Se suspendre à mes mains comme du pampre vert :
L’odeur du poivrier, du lentisque et des sorbes
Coulera mollement de leurs cheveux ouverts.
Elles m’emmèneront vers l’Hellade sonore
Par le pré plein d’ajoncs, de rosée et de thym.
Leurs robes de safran seront comme l’aurore
Qui se traîne et qui luit sur l’herbe des jardins :
Dans les chemins étroits, que des ruches de paille
Emplissent du parfum de la cire et du miel,
Elles s’approcheront du potier qui travaille
Pour goûter avec lui aux mets habituels.
Lorsque le vent du soir fera plier les saules
Et rentrer les troupeaux aux portes des maisons.
Nous presserons nos mains et joindrons nos épaules
Comme font pour danser les Jours et les Saisons…
— Elles me conteront le rustique mystère
Des noces de la lune avec le beau berger,
La jeunesse du temps à l’aube de la terre,
L’ivresse du vin grec et de l’amour léger.
Nos jeux seront plaisants, et quand la nuit agile
Parcourra le chemin des monts et des coteaux,
Elles allumeront une lampe d’argile
Et baigneront leurs bras de baumes végétaux,
Et penchant sur leurs seins mon corps tendre qui ploie
Elles consacreront à Minerve aux joues d’or
Cet immortel désir de sagesse et de joie
Dont mon cœur large et vif est empli jusqu’au bord…
À L’AMITIÉ, Sentiment divin par qui, selon la présence ou l’absence, nous sommes vivants ou tués, je dédie ces poèmes d’imagination sur l’amour, passion cruelle et vaine. A. N.ICe fut...