Scène IV
(LA VALLÉE, MADAME ALAIN, MADEMOISELLE HABERT)
MADEMOISELLE HABERT
Bonjour, Madame.
MADAME ALAIN
Je suis votre servante, Mademoiselle. J'apprends là une nouvelle qui me fait plaisir ; on dit que vous vous mariez.
MADEMOISELLE HABERT
Doucement, ne parlez pas si haut ; il ne faut pas qu'on le sache.
MADAME ALAIN
C'est donc un secret ?
MADEMOISELLE HABERT
Sans doute ; est-ce que Monsieur de la Vallée ne vous l'a pas dit ?
LA VALLÉE
Je n'ai pas eu le temps.
MADAME ALAIN
Nous commencions, je ne sais encore rien de rien ; mais je parlerai bas. Eh bien ! contez-moi vos petites affaires de cœur. Vous vous aimez donc, que cela est plaisant !
MADEMOISELLE HABERT
Que trouvez-vous de si plaisant à ce mariage, Madame ?
MADAME ALAIN
Je n'y trouve rien. Au contraire, je l'approuve, je l'aime. Il me divertit, j'en ai de la joie. Que voulez-vous que j'y trouve, moi ? Qu'y a-t-il à dire ? Vous aimez ce garçon : c'est bien fait. S'il n'a que vingt ans, ce n'est pas votre faute, vous le prenez comme il est ; dans dix il en aura trente et vous dix de plus, mais qu'importe ! On a de l'amour ; on se contente ; on se marie à l'âge qu'on a ; si je pouvais vous ôter les trois quarts du vôtre, vous seriez bientôt du sien.
MADEMOISELLE HABERT
Qu'appelez-vous du sien ? Rêvez-vous, Madame Alain ? Savez-vous que je n'ai que quarante ans tout au plus ?
MADAME ALAIN
Calmez-vous ! C'est qu'on s'y méprend à la mine qu'ils vous donnent.
LA VALLÉE
Vous vous moquez ! On les prendrait pour des années de six mois. Finissez donc !
MADAME ALAIN
De quoi se fâche-t-elle ? Mademoiselle Habert sait que je l'aime. Allons, ma chère amie, un peu de gaieté ! Vous êtes toujours sur le qui-vive. Eh ! Mort de ma vie, en valez-vous moins pour être un peu mûre ? Voyez comme elle s'est soutenue, elle est plus blanche, plus droite !
LA VALLÉE
Elle a des yeux, un teint…
MADAME ALAIN
Ah ! le fripon, comme il en débite ! Revenons. Vous l'épousez ; après, que faut-il que je fasse ?
MADEMOISELLE HABERT
Personne ne viendra-t-il nous interrompre ?
MADAME ALAIN
Attendez ; je vais y mettre bon ordre. Javotte ! Javotte !
MADEMOISELLE HABERT
Qu'allez-vous faire ?
MADAME ALAIN
Laissez, laissez ! C'est qu'on peut entrer ici à tout moment, et moyennant la précaution que je prends, il ne viendra personne.