Le Prince travesti, comédie héroïque en trois actes écrite par Marivaux et créée en 1724, mêle intrigue sentimentale et réflexion sur l’identité et le pouvoir. L’histoire se déroule dans une cour étrangère où Lelio, un prince qui voyage incognito sous les traits d’un simple aventurier, cherche à évaluer la vraie nature de ceux qui l’entourent et à éprouver la sincérité des sentiments hors des apparences imposées par son rang. Sous son déguisement, Lelio tombe amoureux de Léonide, une jeune femme noble et vertueuse, également convoitée par le prétendant officiel de la cour.
Le déguisement du prince, tout comme les intrigues qui s’en suivent, met à nu les ambitions, les hypocrisies et les véritables émotions des personnages. Marivaux joue avec les quiproquos et les jeux d’identités pour interroger les rapports entre le pouvoir, l’amour et la vérité des cœurs. Lelio, en renonçant provisoirement à son statut princier, parvient à gagner l’amour de Léonide non pas pour sa position, mais pour ses qualités personnelles.
À travers cette comédie brillante et pleine de rebondissements, Marivaux explore la tension entre l’être et le paraître, tout en mettant en scène une quête universelle de sincérité et de reconnaissance, autant dans l’amour que dans les relations humaines.
(LA PRINCESSE et sa suite , HORTENSE)(La scène représente une salle où la Princesse entre rêveuse, accompagnée de quelques femmes qui s'arrêtent au milieu du théâtre.)LA PRINCESSE(, se retournant vers ses femmes.)Hortense ne vient point, qu'on aille lui dire encore...
(LA PRINCESSE, HORTENSE)LA PRINCESSEMa chère Hortense, depuis un an que vous êtes absente, il m'est arrivé une grande aventure.HORTENSEHier au soir en arrivant, quand j'eus l'honneur de vous revoir, vous me parûtes aussi tranquille que vous l'étiez avant mon départ.LA...
(LA PRINCESSE, HORTENSE, ARLEQUIN)(Arlequin arrive d'un air désœuvré en regardant de tous côtés. Il voit la Pincesse et Hortense, et veut s'en aller.)LA PRINCESSEQue cherches-tu, Arlequin ? ton maître est-il dans le palais ?ARLEQUINMadame, je supplie Votre Principauté de pardonner...
(LÉLIO, ARLEQUIN)LÉLIOQu'est-ce que tu fais ici ?ARLEQUINJ'y fais connaissance avec la Princesse, et j'y reçois ses compliments.LÉLIOQue veux-tu dire avec ta connaissance et tes compliments ? Est-ce que tu l'as vue, la Princesse ? Où est-elle ?ARLEQUINNous venons de nous...
LÉLIO (, seul.)La Princesse cherche à me connaître, et me confirme dans mes soupçons ; les services que je lui ai rendu ont disposé son cœur à me vouloir du bien, et mes respects empressés l'ont persuadée que je l'aimais...
(LÉLIO, HORTENSE, à qui UN GARDE dit en montrant Lélio.)UN GARDELe voilà, Madame.LÉLIO(, surpris.)Je connais cette dame-là.HORTENSE(, étonnée.)Que vois-je ?LÉLIO(, s'approchant.)Me reconnaissez-vous, Madame ?HORTENSEJe crois que oui, Monsieur.LÉLIOMe fuirez-vous encore ?HORTENSEIl le faudra peut-être bien.LÉLIOEh pourquoi donc le faudra-t-il ?...
LÉLIO (, un moment seul.)Voici un coup de hasard qui change mes desseins ; il ne s'agit plus maintenant d'épouser la Princesse ; tâchons de m'assurer parfaitement du cœur de la personne que j'aime, et s'il est vrai qu'il soit...
(LÉLIO, HORTENSE)HORTENSE(, revient.)J'oubliais à vous informer d'une chose : la Princesse vous aime, vous pouvez aspirer à tout ; je vous l'apprends de sa part, il en arrivera ce qu'il pourra. Adieu.LÉLIO(, l'arrêtant avec un air et un ton de...
LÉLIO (, seul.)Je suis au comble de la joie ; j'ai retrouvé ce que j'aimais, j'ai touché le seul cœur qui pouvait rendre le mien heureux ; il ne s'agit plus que de convenir avec cette aimable personne de la...
(FRÉDÉRIC, LÉLIO)FRÉDÉRICPuis-je avoir l'honneur de vous dire un mot ?LÉLIOVolontiers, Monsieur.FRÉDÉRICJe me flatte d'être de vos amis.LÉLIOVous me faites honneur.FRÉDÉRICSur ce pied-là, je prendrai la liberté de vous prier d'une chose. Vous savez que le premier secrétaire d'État de la...
(LÉLIO, FRÉDÉRIC, LA PRINCESSE)LA PRINCESSEJe vous cherchais, Lélio. Vous êtes de ces personnes que les souverains doivent s'attacher ; il ne tiendra pas à moi que vous ne vous fixiez ici, et j'espère que vous accepterez l'emploi de mon premier...
FRÉDÉRIC (, seul.)Si je ne viens à bout de perdre cet homme-là, ma chute est sûre… Un homme sans nom, sans parents, sans patrie, car on ne sait d'où il vient, m'arrache le ministère, le fruit de trente années de...
(FRÉDÉRIC, ARLEQUIN)(Il entre en comptant de l'argent dans son chapeau.)FRÉDÉRICBonjour, Arlequin. Es-tu bien riche ?ARLEQUINChut ! Vingt-quatre, vingt-cinq, vingt-six et vingt-sept sols. J'en avais trente. Comptez, vous, Monseigneur le conseiller ; n'est-ce pas trois sols que je perds ?FRÉDÉRICCela est...
(LISETTE, ARLEQUIN)ARLEQUINMon bijou, j'ai fait une offense envers vos grâces, et je suis d'avis de vous en demander pardon, pendant que j'en ai la repentance.LISETTEQuoi ! un si joli garçon que vous est-il capable d'offenser quelqu'un ?ARLEQUINUn aussi joli garçon...
(LÉLIO, ARLEQUIN)ARLEQUIN(, à part.)Il ne me voit pas. Voyons sa pensée.LÉLIOMe voilà dans un embarras dont je ne sais comment me tirer.ARLEQUIN(, à part.)Il est embarrassé.LÉLIOJe tremble que la Princesse, pendant la fête, n'ait surpris mes regards sur la personne...
ARLEQUIN (, seul.)Quand on a un peu d'esprit, on accommode tout. Un butor aurait été chagriner son maître sans lui en demander honnêtement le privilège. À cette heure, si je lui cause du chagrin, ce sera de bonne amitié, au...
(LA PRINCESSE, HORTENSE, ARLEQUIN)LA PRINCESSE(, à Arlequin.)Il me semble avoir vu de loin ton maître avec toi.ARLEQUINIl vous a semblé la vérité, Madame ; et quand cela ne serait pas, je ne suis pas là pour vous dédire.LA PRINCESSEVa le...
(LA PRINCESSE, HORTENSE)LA PRINCESSEMa chère Hortense, apparemment que ma rêverie est contagieuse ; car vous devenez rêveuse aussi bien que moi.HORTENSEQue voulez-vous, Madame ? Je vous vois rêver, et cela me donne un air pensif ; je vous copie de...
(LÉLIO, HORTENSE, LA PRINCESSE)LÉLIOJe me rends à vos ordres, Madame. Arlequin m'a dit que vous souhaitiez me parler.LA PRINCESSEJe vous attendais, Lélio ; vous savez quelle est la commission de l'ambassadeur du roi de Castille, qu'on est convenu d'en délibérer...
(LÉLIO, HORTENSE)LÉLIOEnfin, Madame, il est temps que vous décidiez de mon sort, il n'y a point de moments à perdre. Vous venez d'entendre la Princesse ; elle veut que je prononce sur le mariage qu'on lui propose. Si je refuse...
(L'AMBASSADEUR, LÉLIO, FRÉDÉRIC)FRÉDÉRIC(, à part à l'Ambassadeur.)Vous sentirez, j'en suis sûr, jusqu'où va l'audace de ses espérances.L'AMBASSADEUR(, à Lélio.)Vous savez, Monsieur, ce qui m'amène ici, et votre habileté me répond du succès de ma commission. Il s'agit d'un mariage entre...
(FRÉDÉRIC, L'AMBASSADEUR)FRÉDÉRICLa manière dont vous venez de lui parler me fait présumer bien des choses ; peut-être sous le titre d'Ambassadeur nous cachez-vous…L'AMBASSADEURNon, Monsieur, il n'y a rien à présumer ; c'est un ton que j'ai cru pouvoir prendre avec...
(FRÉDÉRIC, ARLEQUIN, arrivant tout essoufflé.)FRÉDÉRIC(, à part.)Monsieur l'Ambassadeur me paraît bien scrupuleux ! Mais voici Arlequin qui accourt à moi.ARLEQUINPar la mardi ! Monsieur le conseiller, il y a longtemps que je galope après vous ; vous êtes plus difficile...
(LA PRINCESSE, HORTENSE, FRÉDÉRIC, ARLEQUIN)LA PRINCESSEEh bien ! Frédéric, qu'a-t-on conclu avec l'Ambassadeur ?FRÉDÉRICMadame, Monsieur Lélio penche à croire que sa proposition est recevable.LA PRINCESSELui, son sentiment est que j'épouse le roi de Castille ?FRÉDÉRICIl n'a demandé que le temps...
(FRÉDÉRIC, HORTENSE, ARLEQUIN)ARLEQUINMe voilà bien accommodé ! je suis un bel oiseau ! j'aurai bon air en cage ! Et puis après cela fiez-vous aux prophéties ! prenez des pensions, et aimez les filles ! Pauvre Arlequin ! adieu la...
(LÉLIO arrive, HORTENSE, FRÉDÉRIC, ARLEQUIN)FRÉDÉRICQue vous ai-je fait, MadameARLEQUIN(, voyant Lélio)Ah ! mon maître bien-aimé, venez que je vous baise les pieds, je ne suis pas digne de vous baiser les mains. Vous savez bien le privilège que vous m'avez...
(LÉLIO, HORTENSE)LÉLIOVous l'avez prévu, Madame, mon amour vous met dans le péril, et je n'ose presque vous regarder.HORTENSEQuoi ! l'on va peut-être me séparer d'avec vous, et vous ne voulez pas me regarder, ni voir combien je vous aime !...
HORTENSE (seule.)La Princesse m'envoie chercher : que je crains la conversation que nous aurons ensemble ! Que me veut-elle ? aurait-elle encore découvert quelque chose ? Il a fallu me servir d'Arlequin, qui m'a paru fidèle. On n'a permis qu'à...
(ARLEQUIN, LISETTE)LISETTEIl semble que vous vous défiez de moi, Arlequin ; vous ne m'apprenez rien de ce qui vous regarde. La Princesse vous a tantôt envoyé chercher ; est-elle encore fâchée contre nous ? Qu'a-t-elle dit ?ARLEQUIND'abord, elle ne m'a...
(ARLEQUIN, LA PRINCESSE)ARLEQUIN(, seul un moment.)Tantôt on voulait m'emprisonner pour une fourberie ; et à cette heure, pour une fourberie, on me pardonne. Quel galimatias que l'honneur de ce pays-ci !LA PRINCESSEAs-tu vu Hortense ?ARLEQUINOui, Madame, je lui ai menti,...
LA PRINCESSEIndigne amie, tu lui fais réponse, et me voici convaincue de ta trahison, tu ne l'aurais jamais avoué sans ce malheureux stratagème, qui ne m'instruit que trop ; allons, poursuivons mon projet, privons l'ingrat de ses honneurs, qu'il ait...
(LA PRINCESSE, HORTENSE)HORTENSEJe me rends à vos ordres, Madame, on m'a dit que vous vouliez me parler.LA PRINCESSEVous jugez bien que, dans l'état où je suis, j'ai besoin de consolation, Hortense ; et ce n'est qu'à vous seule à qui...
(LA PRINCESSE, HORTENSE, ARLEQUIN)ARLEQUINMadame, c'est là le billet que Madame Hortense m'a donné… la voilà pour le dire elle-même.HORTENSEOh ciel !LA PRINCESSEVa-t'en.(Il s'en va.)HORTENSESouvenez-vous que vous êtes généreuse.LA PRINCESSE(lit.)Arlequin est le seul par qui je puisse vous avertir de ce...
(FRÉDÉRIC, HORTENSE)HORTENSESeigneur, je vous demande un moment d'entretien.FRÉDÉRICJ'ai ordre d'aller trouver la Princesse, Madame.HORTENSEJe le sais, et je n'ai qu'un mot à vous dire. Je vous apprends que vous allez remplir la place de Lélio.FRÉDÉRICJe l'ignorais ; mais si la...
(L'AMBASSADEUR, HORTENSE, FRÉDÉRIC)HORTENSEIl me fera raison de vos refus. Seigneur, daignez m'accorder une grâce ; je vous la demande avec la confiance que l'Ambassadeur d'un roi si vanté me paraît mériter. La Princesse est irritée contre Lélio ; elle a...
(LA PRINCESSE, FRÉDÉRIC, L'AMBASSADEUR)LA PRINCESSEQu'on dise à Hortense de venir, et qu'on amène Lélio.L'AMBASSADEURMadame, puis-je espérer que vous voudrez bien obliger le roi de Castille ? Ce prince, en me chargeant des intérêts de son cœur auprès de vous, m'a...
(L'AMBASSADEUR, LA PRINCESSE)LA PRINCESSELa prière que vous me faites aurait suffi, Monsieur, pour m'engager à rendre la liberté à Lélio, quand même je n'y aurais pas été déterminée ; mais votre recommandation doit hâter mes résolutions, et je ne l'envoie...
(LÉLIO, HORTENSE entrent.)LA PRINCESSELélio, je croyais avoir à me plaindre de vous ; mais je suis détrompée. Pour vous faire oublier le chagrin que je vous ai donné, vous aimez Hortense, elle vous aime, et je vous unis ensemble. Pour...
L'Île des esclaves, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, se déroule sur une île utopique où les rapports sociaux sont inversés pour rétablir la justice. L'intrigue débute...
L'Île de la raison, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1727, se déroule sur une île imaginaire gouvernée par la raison et la vérité, où les habitants vivent...
L'Heureux Stratagème, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1733, raconte les manœuvres subtiles de deux amants pour raviver leur amour mis à l'épreuve. La marquise et le chevalier,...
L'Héritier de village, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, raconte les mésaventures d’un jeune homme naïf, Eraste, nouvellement désigné comme héritier d’un riche villageois. L’histoire se déroule...
Les Serments indiscrets, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les contradictions de l’amour et de la parole donnée. L’intrigue tourne autour de Lucile et Damis, deux...
Les Fausses Confidences, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1737, met en scène les stratagèmes de l’amour et les jeux de manipulation pour conquérir un cœur. L’histoire suit...
Les Acteurs de bonne foi, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1748, joue sur la frontière entre réalité et fiction en mettant en scène une troupe de comédiens...
L'Épreuve, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1740, explore les jeux de la séduction et la sincérité des sentiments à travers une intrigue délicate et malicieuse. Lucidor, un...
L'École des mères, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1732, explore les relations complexes entre une mère autoritaire et sa fille en quête d’autonomie. Madame Argante, une veuve...
Le Triomphe de l’amour, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les jeux de manipulation et de déguisement orchestrés par l’amour. L’histoire met en scène Léonide, une...