Le fils de Giboyer
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ACTE QUATRIÈME - SCÈNE V

Emile Augier

ACTE QUATRIÈME - SCÈNE V


(GIBOYER MAXIMILIEN.)

MAXIMILIEN
Toi?

GIBOYER (à part, avec un geste de colère.)
Va te promener !

MAXIMILIEN
C'est toi qui signes Boyergi? ,

GIBOYER (durement.)
Comment es-tu là ?

MAXIMILIEN
Tu veux donc continuer cet horrible métier ? Pauvre père !

GIBOYER
D'abord, tu m!as promis d'oublier que je suis ton père !

MAXIMILIEN
Je t'ai promis de ne pas le dire; mais de l'oublier!… T'ai-je promis d'être un ingrat?

GIBOYER
Ah !… je ne te demande qu'une preuve de reconnaissance, c'est de me laisser achever mon oeuvre. Je n'ai pas besoin de ton respect.

MAXIMILIEN
Mais j'ai besoin de le respecter, moi! Quelle lutte impie veux-tu établir entre ma tendresse et mon honneur? Lequel des deux souhaites-tu qui emporte l'autre ?

GIBOYER ( assis sur le canapé.)
Je ne peux pourtant pas te laisser user par la misère!

MAXIMILIEN
Penses-tu que j'accepterai encore tes bienfaits, sachant ce qu'ils le coûtent? Ne m'as-tu pas mis en état de gagner ma vie et la tienne? Avons-nous tant de besoins, toi et moi? Nous connaissons la pauvreté; reprenons-en gaiement le chemin, bras dessus bras dessous. Ne sera-ce pas charmant de vivre tous deux de notre travail dans une mansarde ?

GIBOYER
Charmant pour moi, oui !

MAXIMILIEN
Et pour moi donc! Je sais qui tu es maintenant. Je suis fier de loi : j'ai lu ton livre !

GIBOYER
T'a-t-il convaincu ?

MAXIMILIEN
Certes ! (Lui mettant la main sur le front.)
Et je ne veux plus que tu avilisses le grand esprit qu'il y a là. — Mon vieil ami, comme lu dois souffrir à vilipender les belles idées dans ce journal d'écrevisses ! Quitte-le, je t'en supplie… ( souriant.)
Je te l'ordonne ! J'ai bien aussi quelques droits sur toi peut-être ? Tu as assez léché la boue sur mon chemin, comme tu dis; essuie-toi la bouche pour m'embrasser.
(Il l'embrasse sur la joue.)

GIBOYER
Brave enfant !

MAXIMILIEN
Tu m'obéiras ?

GIBOYER
Il le faut bien. N'es-tu pas mon maître?

MAXIMILIEN
Tout me réussit aujourd'hui. Vive le bon Dieu !

GIBOYER
Tout ! Quoi donc encore?

MAXIMILIEN
Rien.

GIBOYER
Tu as des secrets pour ton vieux camarade?

MAXIMILIEN
Nous écrirons ta démission en rentrant chez toi, et je la porterai demain de bonne heure, pour que MM. les membres du comité aient un pied de nez à leur réveil. Quelle joie de leur souffler leur boxeur ! Tu ne te doutes pas de ce qu'on entend ici. C'est une vraie conspiration contre nos idées.

GIBOYER
Tout simplement. La grande chouannerie des salons, avec ramifications dans les salles à manger et les boudoirs.

MAXIMILIEN
Tu plaisantes : mais ne t'y fie pas! Ce parti-là s'appelle légion.

GIBOYER
Légion de colonels sans régiment, état-major sans troupes. Ils prennent pour leur armée les curieux qui les regardent caracoler; ils passent des revues de spectateurs; mais le jour d'une levée sérieuse, ils battraient le rappel dans le désert.

MAXIMILIEN
A ce compte, ils ne sont pas bien redoutables.

GIBOYER
Ils le sont beaucoup pour les gouvernements qu'ils soutiennent. Ces gaillards-là ne savent verser que les voilures qu'ils conduisent, mais qu'ils les versent bien !
(Deux domestiques apportent le thé.)

MAXIMILIEN (regardant vers le salon.)
Chut!… on vient!. . Le marquis d'Auberive ! Avec qui est-il ?

GIBOYER
Avec l'éminent Couturier de la Haute-Sarthe… Un libéral repenti !

MAXIMILIEN
Ils ont l'air de s'adorer.

GIBOYER
Je crois bien ! Tous frères et amis ! —Tiens, je m'étais amusé à lâcher dans mon article de ce matin quelques brocards contre ce même Couturier; le marquis a biffé le passage en me disant ce mot simple et profond : "Pas encore !"

MAXIMILIEN
Eh bien, le marquis ne te biffera plus rien.


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