(GIBOYER MARÉCHAL.)
MARÉCHAL
Qu'en pensez-vous, monsieur de Boyergi ?
GIBOYER
De quoi, monsieur ?
MARÉCHAL
Du choix qu'on fait d'un protestant pour débiter mon… votre… le discours?
GIBOYER
Ces messieurs le regardent comme un hommage éclatant rendu à la vérité ; moi, je pense qu'il fournira un bel exorde à la réponse. (D'un ton oratoire.)
Eh quoi ! messieurs, c'est un protestant que vous venez d'entendre? Mais, s'il est sincère, la première chose qu'il ait à faire en sortant d'ici, c'est d'abjurer.
MARÉCHAL
C'est vrai ! Je vous demande un peu qu'est-ce que c'est qu'un protestant qui ne proteste pas?
GIBOYER
Ce que c'est, messieurs ? C'est le plus grave symptôme d'indifférence religieuse qu'ait encore donné notre époque ! Vous êtes plus avant que nous-mêmes dans la religion philosophique. Le choix de votre orateur est un aveu : le moyen âge est mort, et c'est vous qui posez la dernière pierre de son tombeau. Que parlez-vous de le ressusciter ?
MARÉCHAL
Bravo ! bravo ! je donnerais cent mille francs de ma poche pour qu'on jetât cela au nez de l'intrigant qui m'a supplanté.
GIBOYER
Le fait est que ces messieurs se sont cruellement joués de vous !
MARÉCHAL
C'est une indignité !
GIBOYER
Une mystification. Ils vous traitent comme un Cassandre.
MARÉCHAL
Je leur ferai voir si j'en suis un.
GIBOYER
Ils vous couvrent d'un ridicule à n'oser plus vous montrer.
MARÉCHAL
Ils ne le porteront pas en paradis.
GIBOYER
Malheureusement, vous ne pouvez rien contre eux.
MARÉCHAL
On ne sait pas !
GIBOYER (à demi voix.)
Il y aurait bien une belle vengeance à tirer.
MARÉCHAL
Laquelle?
GIBOYER
Ce serait de répondre.
MARÉCHAL
Moi ?
GIBOYER
De les foudroyer.
MARÉCHAL
Ah! si je le pouvais !
GIBOYER
Il ne vous manque- qu'un foudre… On; peut vous le procurer.
MARÉCHAL
Qui ? vous?
GIBOYER
Non, je ne suis pas de. force. Je ne connais qu'un homme capable de rétorquer mon discours; c'est mon neveu.
MARÉCHAL
Le petit Gérard?
GIBOYER
Lui-même.
MARÉCHAL
Mais il le trouvait sans réplique?
GIBOYER
Il a réfléchi depuis, et il me l'a démoli à- moi pièce par pièce. Vous le dirai-je? Il a si bien retourné mes idées, que j'abandonne le parti et vais donner demain ma démission de rédacteur en chef.
MARÉCHAL
Bah! Maximilien vous a converti à ce point? Mais alors il me ferait un discours…
GIBOYER (faisant claquer un baiser sur ses doigts.)
Oh!
MARÉCHAL
Il lui suffirait d'une nuit pour cela ?
GIBOYER
Facilement.
MARÉCHAL
Et je pourrais lire demain?
GIBOYER
Quelle surprise pour ces messieurs !
MARÉCHAL
Votre neveu est-il discret ?
GIBOYER
Comme moi-même.
MARÉCHAL
Qu'il ne parle de rien ! ni à ma femme, ni à ma fille, ni à personne ! et qu'il m'apporte son manuscrit demain matin.
GIBOYER
C'est convenu.
MARÉCHAL
Quelle revanche !
Il entre dans le salon par la porte de droite.
GIBOYER
Voilà une recrue dont la démocratie ne sera pas fière… Mais, bah! il faut avant tout tâcher d'assurer le bonheur de Maximilien.
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