(LE COMTE FERNANDE.)
LE COMTE (à part.)
La tête est belle; mais quelle différence avec la-divine Pfeffers! Et, si elle me refuse, je suis ruiné! (Haut.)
Mademoiselle, vous a-t-on dit dans quel but… ?
FERNANDE
Oui, monsieur.
LE COMTE
J'ai l'aveu de vos parents, mais je ne veux vous tenir que de vous-même. C'est là, je crois, un sentiment que vous ne sauriez désapprouver.
FERNANDE
Il est à la fois délicat et prudent; car je ne suis pas de celles que l'on marie sans les consulter. Nous ne nous connaissons ni l'un ni l'autre, monsieur; pour faire connaissance, voulez-vous que nous nous parlions avec une entière franchise ?
LE COMTE
Bien volontiers, mademoiselle; la franchise est ma principale qualité.
FERNANDE
Tant mieux! C'est celle que j'estime par-dessus toutes. Eh bien, pourquoi voulez-vous m'épouser?
LE COMTE
Mais parce que je n'ai pu vous voir sans…
FERNANDE
Pardon! vous oubliez déjà notre traité. Nous nous sommes vus trois fois, nous avons échangé trois mots, et je n'ai pas la vanilé de croire que cela ait suffi à vous tourner la tête.
LE COMTE
Vous ne vous rendez pas justice, mademoiselle.
FERNANDE
Que les hommes ont de peine à être sincères! J'ajouterai pour vous mettre à votre aise que, si vous m'épousiez par amour, je croirais de ma loyauté de vous refuser : car il y aurait entre nous une inégalité de sentiments qui ferait votre malheur, pour peu que vous ayez de délicatesse dans l'âme.
LE COMTE
Alors… s'il n'y a pas précisément chez moi ce qu'en langage mondain on appelle de l'amour, croyez bien qu'il y a du moins tous les sentiments que l'époux doit à l'épouse.
FERNANDE
A la bonne heure! mais ces sentiments-là ne sont pas assez violents pour pousser un gentilhomme à une mésalliance. Vous avez donc un motif particulier. Je ne doute pas qu'il ne soit parfaitement honorable, et si je tiens à le connaître, c'est uniquement pour ne pas laisser l'ombre d'une arrière-pensée dans l'estime que je veux faire de mon mari. — Vous hésitez à répondre?
LE COMTE
Non, mademoiselle. Je vous épouse par déférence aux désirs de mon cousin… déférence qui m'est bien douce, je vous assure
FERNANDE
J'aurais dû le deviner : du moment qu'il ne s'oppose pas à cette mésalliance, c'est qu'il l'ordonne.
LE COMTE
Il a pour vous une affection…
FERNANDE
Il est seul au monde, je suis sa pupille, et son coeur se rattache à ce lien, si faible qu'il soit. Allez, monsieur le comte, allez lui annoncer qu'il sera fait comme il le désire.
LE COMTE
Que de reconnaissance, mademoiselle !
FERNANDE
Vous ne m'en devez pas, monsieur; j'accepte un nom honorablement offert… et je vous promets de le porter dignement.
LE COMTE
Et moi, de mon côté, je vous assure que, malgré… Mais vous avez raison, je vais réjouir mon cousin de cette heureuse nouvelle.
(II sort.)
FERNANDE (après un silence.)
Autant lui qu'un autre, après tout ! Sortir de cette maison, voilà l'important. — Pauvre père!
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