(LA BARONNE MADAME MARÉCHAL.)
LA BARONNE (à part.)
Et de deux!… A l'autre maintenant! (Haut.)
Vous ne songez pas à la retraite, j'espère ?
MADAME MARÉCHAL
Pardonnez-moi, je suis fatiguée. Il n'a pas fallu moins que le plaisir de venir chez vous pour me décider à sortir ce soir. Je ne sais pas ce qu'est devenu M. Maréchal.
LA BARONNE
Il est allé chercher un peu de solitude dans la bibliothèque, respectons ses méditations. J'ai justement un renseignement confidentiel à vous demander. (L'amenant au canapé.)
Vous m'accorderez bien cinq minutes de votre fatigue, ma chère amie ?
(Elles s'asseyent.)
MADAME MARÉCHAL
Vous me la feriez oublier, chère baronne.
LA BARONNE
Pourquoi M. Gérard quitte-t-il votre mari?
MADAME MARÉCHAL
C'est un jeune homme très fier à qui toute dépendance est insupportable.
LA BARONNE
Oui, c'est le motif officiel ; mais je vous demande, moi, le motif vrai. J'ai besoin de savoir à quoi m'en tenir sur le compte de ce jeune homme avant de m'employer pour lui.
MADAME MARÉCHAL
Protégeons-le, chère baronne, il en est digne ! C'est le coeur le plus délicat, le plus loyal, le plus sûr qu'on puisse imaginer.
LA BARONNE
Vous me charmez. Je ne sais pas… mais je craignais que ce ne fût un intrigant. J'aime mieux croire à la sincérité de son amour.
MADAME MARÉCHAL (baissant les yeux.)
Son amour ! Pour qui?
LA BARONNE
Mais… pour Fernande.
MADAME MARÉCHAL (, vivement.)
Pour Fernande ! Pauvre garçon ! Il est à mille lieues D'y penser.
LA BARONNE
En vérité? Êtes-vous bien sûre?…
MADAME MARÉCHAL (inquiète.)
Mais qui vous fait croire ?…
LA BARONNE
Oh! mon Dieu, rien; n'en parlons plus; je nie serai trompée.
MADAME MARÉCHAL
Une femme de votre tact ne se trompe pas sans de fortes apparences. Qu'avez-vous cru remarquer?
LA BARONNE
Que vous dirai-je? Je m'étais sottement imaginée que le mariage de Fernande n'était pas étranger au départ du jeune homme. Parlait-il de vous quitter avant la demande d'Outreville?
MADAME MARÉCHAL (frappée.)
Non… et c'est le jour même qu'il a donné sa démission… Mais non, il n'a appris le mariage que ce matin.
LA BARONNE
Vous voyez bien! Et, à moins de supposer que Fernande ne le lui ait annoncé hier, ce qui est impossible…
MADAME MARÉCHAL (, très émue.)
Pourquoi impossible ?
LA BARONNE
Dame ! il faudrait admettre que ce garçon ne lui est pas indifférent, ce que je ne veux pas croire. — Ce n'est pas l'embarras ; elle vient de mêle recommander avec une chaleur un peu surprenante de la part d'une personue ordinairement si mesurée
MADAME MARÉCHAL
Vraiment?
LA BARONNE
C'est une petite tète résolue.
MADAME MARÉCHAL
Je la connais! Et ce Gérard… M'aurait-on jouée à point ?
LA BARONNE
Ne nous hâtons pas pourtant…
MADAME MARÉCHAL
Mille détails me reviennent à présent : l'air offensé de ce monsieur, l'attitude suppliante de Fernande… Elle Cherchait à être Seule av.ec lui… (Se tournant vers le salon.)
Et, tenez, regardez-les causer tous les deux ! Ont-ils assez oublié qu'ils ne sont pas seuls?… Ce niais d'Outreville qui ne s'aperçoit de rien !
LA BARONNE
Je n'en jurerais pas… Il les observe d'un air inquiet, comme s'ils étaient en train de le dérober. — Hum ! tout cela pourrait mal finir : le mariage n'est pas encore fait, prenez garde !
MADAME MARÉCHAL
Vous me consternez !
LA BARONNE
Vous n'avez pas de temps à perdre, si vous tenez à l'alliance du comte. Je ne peux pas croire à la duplicité de Fernande : elle est entraînée à son insu : rappelez-la à elle-même, en lui faisant brusquement mesurer l'abîme qui la sépare de ce garçon.
MADAME MARÉCHAL
Oui, mais le moyen ?
LA BARONNE
Remettez publiquement le petit bonhomme à sa place.
MADAME MARÉCHAL
A quelle occasion ?
LA BARONNE
L'occasion? mais ici, ce soir même, on peut la trouver. Nous la chercherons. Un amour humilié ne dure DSR longtemps.
MADAME MARÉCHAL
Vous avez raison; merci, chère baronne! Fernande sera sauvée… (A part.)
et moi, vengée! (Haut, apercevant Maximilien qui sort du salon.)
Voici ce petit fourbe ; rentrons… Je ne serais pas maîtresse de moi.
LA BARONNE
Oui, n'ayons pas l'air de conspirer.
(Elles sortent par le fond, à gauche, tandis que Maximilien entre par le fond, à droite.)
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