La pièce "La Contagion" d'Émile Augier, publiée en 1866, est une comédie sociale qui explore les travers et les hypocrisies de la société bourgeoise de l'époque. Elle met en lumière la transmission des valeurs, des comportements et des défauts à travers les générations, symbolisée par le terme "contagion", qui ici s’applique aux mœurs et aux pratiques sociales.
L'intrigue met en scène des personnages issus de la bourgeoisie, notamment le père Tenancier, son fils Lucien, et d'autres figures comme Annette et Aline, qui représentent différentes facettes de cette classe sociale. Les thèmes abordés incluent les ambitions personnelles, les pressions sociales, l'oisiveté de la jeunesse dorée, ainsi que les compromis moraux nécessaires pour maintenir son rang dans une société fortement hiérarchisée. La pièce critique les influences corruptrices de certains comportements, en particulier la frivolité, la spéculation et le cynisme, qui se propagent comme une "contagion" parmi les individus et les générations.
(La scène se passe à Paris, de nos jours.)(La bibliothèque de Tenancier. — Porte au fond, portes latérales. — Cheminée à gauche, au premier plan, devant laquelle est placé un bureau.)
TENANCIER (, en robe de chambre, assis à son bureau, dans une bergère. Il achève d'écrire et cachette des papiers.)Allons ! me voilà encore une fois en règle. Tous les ans, à pareille époque, les folies de monsieur mon fils...
(LUCIEN, ANNETTE, GERMAIN.)LUCIENTiens ! mon père n'est plus là?GERMAINMonsieur est allé s'habiller, et vous prie de l'attendre un instant.(Il sort par la gauche.)LUCIENS'habiller, tu l'entends, petite soeur ! Va donc chercher tes enfants.ANNETTEPour quoi faire ?LUCIENComme renfort, parbleu ! L'affaire...
(LES MÊMES, TENANCIER, en redingote.)TENANCIERBonjour, Annette. Je ne te savais pas là. Tu n'es pas de trop. Asseyons-nous ! (il s'assied devant son bureau, Lucien sur une chaise en face de lui; Annette reste debout.) Mon cher Lucien, je suis...
(LES MÊMES, GERMAIN, puis ANDRÉ et ALINE.)GERMAIN (du fond.)M. Lagarde demande si monsieur peut le recevoir.TENANCIERQuel Lagarde ?GERMAINDame ! celui qui sortait chez nous quand il était à l'École polytechnique avec M. Lucien.LUCIENAndré?TENANCIERFaites entrer tout de suite.LUCIENAh ! quelle joie...
(TENANCIER ANNETTE, ALINE.)ANNETTEVous aimez beaucoup votre frère ?ALINEOh ! madame… Est-ce que vous n'aimez pas le vôtre?ANNETTESi fait.ALINEEh bien, j'aime le mien cent fois plus.ANNETTEQu'en savez-vous ?ALINEIl n'y a plus personne pour lui disputer ma tendresse, tandis que vous…TENANCIEREt puis...
(Un petit salon chez la marquise.)
(TENANCIER ALINE.)ALINE (entrant par la gauche.)Les enfants ne sont pas encore prêts.TENANCIER (assis à droite.)Eh bien, attendons ces messieurs. En quoi les déguise-t-on aujourd'hui?ALINEEn Russes. Ils sont charmants avec leurs petites bottes.TENANCIERAujourd'hui en Russes, hier en Écossais, demain en Espagnols…...
(LES MÊMES, LUCIEN, en paletot, avec des patins dans sa poche de côté.)LUCIENBonjour, papa. — Votre serviteur, cousine. — Ma soeur est-elle prête?ALINEA quoi ?TENANCIERA patiner, parbleu! regardez les patins de ce jeune homme.LUCIENEh bien, quel mal y vois-tu? Il...
(LES MÊMES, ANNETTE, en robe de chambre un peu excentrique.)ANNETTEBonjour, père ; les enfants t'attendent.TENANCIERComment donc es-tu habillée?ANNETTEC'est une robe de chambre qu'on vient de m'apporter. Comment la trouves-tu, Lucien?LUCIENElle a beaucoup de cachet… Mais tu ne comptes pas patiner...
(LUCIEN ANNETTE.)LUCIENC'est quelqu'un, cette petite fille-là.ANNETTECertainement. Elle est bien la soeur de son frère.LUCIENAvec la grâce en plus. Une nature fine et ferme à la fois, un esprit bien portant qui a la fraîcheur de la santé comme son visage ...
(ANNETTE NAVARETTE, en toilette de ville élégante et sévère.)ANNETTE (allant s'asseoir sur le canapé de gauche.)Que vous êtes bonne, mademoiselle, d'avoir bien voulu vous rendre à mon désir !NAVARETTEIl est trop flatteur pour moi, madame la marquise.ANNETTE (avec un entrain...
(ANNETTE NAVARETTE, D'ESTRIGAUD.)D'ESTRIGAUDJe m'empresse de me rendre à vos ordres, chère marquise. (Apercevant Navarette.) Vous ici, mademoiselle?ANNETTE (jouant la surprise.)Vous vous connaissez ?NAVARETTEDe longue date, madame. Le baron veut bien avoir quelque amitié pour moi.D'ESTRIGAUD (à Navarette.)Comment vous êtes-vous portée...
(ANNETTE D'ESTRIGAUD.)ANNETTEVoilà une charmante personne, pleine de tact et de véritable distinction. Je suis enchantée de la connaître. Savez-vous, cher baron, que son éducation vous fait le plus grand honneur?D'ESTRIGAUDMal joué, marquise. Je marque une école.ANNETTE (assise sur le canapé...
(LES MÊMES, LUCIEN.)LUCIENTiens, Raoul ! bonjour, (A Annette.) Comment, flâneuse ! Navarette est partie depuis une demi-heure et ta toilette n'est pas plus avancée ?ANNETTENe t'en prends qu'à ton ami. Mais je vais réparer le temps perdu. Au revoir, baron....
(LES MÊMES,- ANDRÉ.)ANDRÉBonjour, ami. — Je viens de chez vous, monsieur.D'ESTRIGAUDM'apportez-vous des nouvelles?ANDRÉJ'en allais chercher.D'ESTRIGAUDLes affaires ne se font pas si vite. Ces messieurs ne m'ont pas encore rendu réponse; mais ils étudient votre projet très sérieusement, et je crois...
(ANDRÉ LUCIEN.)LUCIENHein ! quel homme charmant !ANDRÉSavais-tu qu'il ne veut pas se marier ?LUCIENParbleu !ANDRÉAlors, tu ne t'aperçois donc pas qu'il fait la cour à ta soeur ?LUCIENAllons donc !ANDRÉCela saute aux yeux les moins clairvoyants. Tant que j'ai cru...
(LES MÊMES, UN DOMESTIQUE, puis ALINE.)UN DOMESTIQUE.Madame la marquise attend M. Lucien.LUCIENJ'y vais., (A Aline qui entre.) Les enfants ont été bien sages, cousine ? Ils se sont amusés ? ils n'ont pas eu froid ? Je vais faire mon...
(Chez d'Estrigaud. — Un cabinet plein d'objets d'art. — Un déjeuner au chocolat est servi sur un guéridon.)
(WILLIAM, en livrée du matin; QUENTIN, en habit noir, la serviette sur le bras.)WILLIAMMonseigneur n'est pas encore levé, monsieur Quentin?QUENTINJe l'attends.WILLIAMEn voilà un fainéant ! Il est midi.QUENTINSi vous étiez rentré chez vous à huit heures du matin, monsieur William…WILLIAMQuelle...
(LES MÊMES, D'ESTRIGAUD, en veste do soie.)D'ESTRIGAUDQue faites-vous là, William ?WILLIAMJe venais prendre les ordres de M. le baron pour la voiture.D'ESTRIGAUDQuand j'aurai lu mes lettres. (William sort. — D'Estrigaud se met à table, et mange tout en décachetant ses...
(D'ESTRIGAUD, LUCIEN.)LUCIENBonjour, seigneur. Comment se porte aujourd'hui Votre Grâce ?D'ESTRIGAUD (assis.)Comme hier et comme demain.LUCIENTu es de fer, c'est connu. Entre nous, quel âge peux-tu bien avoir ?D'ESTRIGAUDEh! eh !… la quarantaine… bien sonnée!LUCIENBah ! Je te donnais vingt-cinq ans.D'ESTRIGAUDMauvais...
(LES MÊMES, ANDRÉ.)LUCIENQue t'arrive-t-il donc? Tu as l'air bouleversé.D'ESTRIGAUDC'est vrai.ANDRÉOn le serait à moins. J'ai appris que sir James Lindsay est à Paris.D'ESTRIGAUDQui ça, sir James. Lindsay ?ANDRÉL'agent anglais qui a déjà fait manquer l'affaire en Espagne. Il est descendu...
(ANDRÉ LUCIEN.)LUCIENCommences-tu à revenir de tes préventions sur son .compte?ANDRÉMa foi, il me rend là un fier service, et je voudrais de bon coeur n'avoir que du bien à penser de lui.LUCIENEh bien, ne te gêne pas; nous venons d'avoir...
(LES MÊMES, D'ESTRIGAUD, en redingote.)LUCIENDéjà! Tu n'as pas été long…D'ESTRIGAUDLe temps vous a semblé court, messieurs.ANDRÉNous admirions votre appartement, monsieur le baron.D'ESTRIGAUDIl est joli, n'est-ce pas? (Bas, à Lucien.) Emmène-le donc…LUCIEN (à André.)N'importunons pas monsieur plus longtemps; les devoirs de...
D'ESTRIGAUD (seul.)S'il savait qui j'attends, il faudrait nous couper la gorge. Je le croyais plus fort. Cette circonstance ne laisse pas que de modifier la situation. Ce que je cherche, moi, c'est une liaison de convenances, l'association pacifique d'un veuvage...
(D'ESTRIGAUD ANNETTE.)ANNETTEVous voyez, baron, qu'on n'a pas peur de vous.D'ESTRIGAUDQuelle bonne surprise, madame!ANNETTEJe passais dans votre rue, j'avais fini mes courses plus tôt que je ne pensais, je me suis dit : "Voilà une belle occasion de visiter les antiques,"...
(LES MÊMES, NAVARETTE.)ANNETTE (courant à elle.)Protégez-moi !D'ESTRIGAUD ( après un moment d'hésitation.)Oh ! malheur ! votre honneur à la discrétion d'une Navarette !ANNETTEJ'ai été attirée dans un piège indigne, madame… je vous le jure sur la tète de mes enfants ...
(NAVARETTE D'ESTRIGAUD, redescendant en scène.)D'ESTRIGAUDTu ne comprends donc rien, toi ?NAVARETTEQu'y a-t-il à comprendre ?D'ESTRIGAUDQue tu viens de me faire manquer un mariage magnifique.NAVARETTEDame ! quand je suis entrée, tu n'étais pas sur le chemin de la mairie, ce me...
(Un salon chez Navarette. — Grand luxe sans clinquant.)
(NAVARETTE ANDRÉ, D'ESTRIGAUD, AURÉLIE, CANTENAC, LUCIEN, VALENTINE.)NAVARETTEEh bien, monsieur de Lagarde, comment vous trouvez-vous de la vie ?ANDRÉÉbloui ! charmé !… Que voulez-vous que je vous dise ? jamais je ne m'étais vu à pareille fête. Les lumières, les truffes,...
(NAVARETTE ANDRÉ.)NAVARETTEIl me semble que vous serrez de près mon amie Valentine, monsieur l'ingénieur?ANDRÉQuelle admirable créature !NAVARETTEElle a beaucoup de distinction.ANDRÉEt des yeux!… et une taille!… Je ne sais quel parfum s'exhale de ses vêtements, de ses cheveux… mais cela...
(LES MÊMES, D'ESTRIGAUD.)NAVARETTEA la rescousse, baron ! M. de Lagarde ne veut rien entendre. Il tient à attacher son nom au canal… la gloire !D'ESTRIGAUD (froidement.)Va me remplacer au jeu.NAVARETTE (à part.)Si tu défais mon petit travail, tu seras fin.(Elle...
(LES MÊMES, VALENTINE, AURÉLIE, NAVARETTE, CANTENAC, LUCIEN, DEUX JEUNES GENS et DEUX FEMMES.)VALENTINE (à André, lui montrant ses mains pleines d'or et de billets de banque.)Que vous disais-je, monsieur de Lagarde? Votre argent a fructifié; prenez votre part.ANDRÉ (lui baisant...
(LES MÊMES, moins ANDRÉ.)CANTENAC (à d'Estrigaud qui s'élance sur les pas d'André.)S'il vous faut un témoin, mon cher, je suis là.(D'Estrigaud s'arrête, les yeux fixés sur Cantenac.)LUCIENUn témoin ? Pour quoi faire?CANTENACDame! il a été insulté assez carrément… trahison immonde!LUCIENAndré...
(Chez d'Estrigaud. — Même décoration qu'au troisième acte.)
(NAVARETTE QUENTIN.)QUENTINMadame a sonné?NAVARETTE (assise à la table et écrivant.)Envoyez chez moi dire à ma femme de chambre qu'elle mette dans mes caisses les effets dont j'écris la liste et qu'elle les fasse porter ici. Vous préparerez vous-même les malles...
NAVARETTE (seule.)Je suis là, moi, à tout préparer comme si l'issue du combat n'était pas douteuse! Et si la chance des armes tournait contre mon pauvre Raoul, au lieu de tourner contre mon pauvre Cantenac?… Après tout, je n'ai pas...
(NAVARETTE TENANCIER.)TENANCIERExcusez-moi, madame, de vous- importuner jusqu'ici ; j'avais-hâte de causer avec vous; on m'a dit,chez vous que je vous trouverais chez: le baron, et, malgré ma répugnance à me rencontrer avec lui…NAVARETTEIl est sorti, monsieur;TENANCIERC'est ce que j'ai su...
(LES MÊMES, ANDRÉ.)NAVARETTELe baron est sorti, monsieur.ANDRÉJe le sais, madame; mais j'ai à lui parler de. choses très importantes : je l'attendrai.NAVARETTEReviendriez-vous sur votre refus d'hier?ANDRÉVous ne le croyez pas. Mais il y a toute une situation à régler.NAVARETTELes affaires...
(ANDRÉ TENANCIER.)ANDRÉJe ne m'attendais guère à vous trouver ici.TENANCIER (embarrassé.)Oh !… je venais… — Qu'y a-t-il de nouveau dans tes affaires?ANDRÉLe baron ne s'en mêle plus. J'ai vu ce malin les bailleurs de fonds, et je viens en leur nom...
(LES MÊMES. D'ESTRIGAUD, évanoui, porté par LUCIEN, BRAGELARD et QUENTIN.)BRAGELARDLà… sur le canapé.TENANCIER (à Lucien, pendant qu'on étend d'Estrigaud sur le canapé.)Mort?LUCIENHélas ! il n'en vaut guère mieux, le pauvre ami !… un coup d'épée en pleine poitrine.BRAGELARD (à Quentin.)Où...
(D'ESTRIGAUD évanoui; LUCIEN, ANDRÉ, TENANCIER.)TENANCIER ( à Lucien.)Qui est ce monsieur?LUCIEN (assis.)Bragelard, un jeune chirurgien, neveu de Navarette, dont Raoul a payé l'éducation.TENANCIERIl a l'oeil faux.ANDRÉAvec qui s'est battu ce pauvre diable?LUCIENAvec Cantenac… à propos de rien! Aussi nous pensions...
(LES MÊMES, NAVARETTE, BRAGELARD.)NAVARETTELaissez-moi ! je veux le voir une dernière fois ! (se Jetant sur le corps.) Raoul ! Raoul ! mon seul ami !…(D'Estrigaud échange un rapide coup d'oeil avec elle.)TENANCIERPauvre femme!NAVARETTEIl respire encore… on peut le sauver!...
(NAVARETTE D'ESTRIGAUD.)D'ESTRIGAUD (après un silence.)Passons à l'étranger.NAVARETTE (sèchement.)Passez-y seul, mon cher; vous n'êtes plus un parti pour moi.D'ESTRIGAUDHein ?NAVARETTEVotre nom, n'ayant plus cours à l'heure qu'il est, ne vaut plus huit cent mille francs, vous en conviendrez; j'aime autant le...
La pièce "Le Post-Scriptum" d'Émile Augier est une comédie en prose qui mêle légèreté et analyse des mœurs. Elle met en scène les intrigues amoureuses de personnages de la bourgeoisie...
La pièce "Le Fils de Giboyer" d’Émile Augier, publiée en 1862, est une comédie sociale et politique qui examine les tensions entre différentes classes sociales et les luttes idéologiques dans...