ACTE TROISIÈME - Scène IX
(madame MURER, EUGÉNIE.)
eugénie (, courant dans les bras de sa tante.)
Ah ! madame, m'abandonnerez-vous aussi ?
madame murer
Non, mon enfant ; écoutez-moi.
eugénie
Ah ! ma tante, venez, secondez-moi : courons nous jeter aux pieds de mon père, implorons ses bontés, et sortons tous d'une odieuse maison…
madame murer
Ce n'est pas mon avis : il faut y rester, au contraire, et écrire au comte que vous l'attendez ici ce soir.
eugénie (, avec horreur.)
Lui !… moi !… vous me faites frémir.
madame murer
Il le faut. Il viendra, vous l'accablerez de reproches, j'y joindrai les miens ; il apprendra que votre père veut implorer le secours des lois : la crainte ou le repentir peut le ramener.
eugénie (, outrée.)
Et je serais assez lâche, après son indignité… Je devrais respecter un jour celui que je ne peux plus estimer ! j'irais aux pieds des autels jurer la fidélité au parjure, la soumission à l'homme sans foi, et une tendresse éternelle au perfide qui m'a sacrifiée ! Plutôt mourir mille fois !
madame murer (, fermement.)
Prenez garde, miss, qu'ici l'opprobre serait le fruit du découragement.
eugénie (, au désespoir.)
L'opprobre ! m'en reste-t-il encore à redouter ? Dégradée par tant d'outrages, abandonnée de tout le monde, anéantie sous la malédiction de mon père, en horreur à moi-même, je n'ai plus qu'à mourir.
(Elle rentre dans sa chambre.)