Scène VII
(LES MÊMES , BALIVET EN NOURRICE)
TOUS
Une nourrice !
JUSTINE(à part, extrême gauche, 1. )
Balivet ? Ah elle est bien bonne.
VEAULUISANT(à Médard. )
Ah ! ça, qu'est-ce que tu me chantais ?
MÉDARD
Il me semblait pourtant bien avoir vu un homme, c'est renversant ! (il frappe avec la crosse de son fusil sur le pied de Veauluisant.)
VEAULUISANT
Sapristi ! Fais donc attention, à la fin ! Tu m'écrases toujours les pieds.
BALIVET(embarrassé. )
Hum ! hum !
VEAULUISANT(à part.)
Ah ! ça ! qu'est-ce que c'est que cette nourrice là ? Elle est charmante.
BALIVET(saluant, embarrassé. )
Messieurs… Dames…
VEAULUISANT(saluant machinalement. )
Ma belle enfant, très honoré ! Mais pourrai-je savoir…
BALIVET
Qui suis-je ? Mon Dieu, c'est bien simple ! Je suis nourrice.
VEAULUISANT
Je m'en doutais.
BALIVET
Je suis bourguignonne.
VEAULUISANT
Bourguignonne. Ah ! De Mâcon, sans doute ?
BALIVET
Oui, si vous voulez.
VEAULUISANT(à Médard et Justine. )
Ah ! mais, c'est la nourrice.
MÉDARD
C'est évident. C'est la nourrice.
JUSTINE
Ils le prennent pour la nourrice ! (rit)
Ah ! j'en ferai une maladie.
VEAULUISANT
C'est vous qui êtes Blanquette.
BALIVET
Blanquette ?
JUSTINE(riant, à part. )
Ah ! Blanquette. C'est-à-dire qu'on dirait du veau.
VEAULUISANT
Ah ! ma femme va être dans une joie ! Nous vous attendions avec impatience.
BALIVET
Vous m'attendiez. Tiens, je ne m'en serais jamais douté.
VEAULUISANT
Mais asseyez-vous donc. Vous devez être fatiguée. Un si long voyage…
BALIVET
Ah ! vous savez, de Paris à Courbevoie…
VEAULUISANT
Comment, de Paris ?… De Mâcon, vous voulez dire…
BALIVET
De Mâcon ? Ah ! oui - oui - je ne comprends pas du tout ce qu'il veut dire… Enfin ! il paraît que je tombe à propos…
VEAULUISANT
Dites donc - Vous ne voulez pas vous rafraîchir… prendre un réconfortant. Vous êtes pâlotte.
BALIVET
Ma foi, ca n'est pas de refus.
VEAULUISANT
C'est ça, Médard : un verre d'eau sucrée, avec de l'eau de mélisse. Tu en trouveras sur ma toilette.
MÉDARD
J'y cours. (A part.)
Mâtin, un beau brin de fille ! (Il sort par la droite, premier plan, emportant son fusil.)
BALIVET
Ils sont très aimables tous ces gens là. C'est une bonne idée que j'ai eue de me mettre en nourrice… pendant ce temps-là… mes vêtements sèchent.
VEAULUISANT
Hein ? Elle est très bien, cette nourrice.
JUSTINE
C'est-à-dire que vous n'en trouverez pas deux comme ça.
MÉDARD(rentre. )
Voilà, Monsieur !(à part)
je n'ai pas trouvé l'eau de mélisse. J'ai mis de l'eau de Cologne, avec beaucoup de sucre, ça fera le même effet, et puis ça la parfumera.
VEAULUISANT
Tenez, buvez-moi ça ! Eh bien, c'est bon ?…
BALIVET
Pas mauvais… mais elle a un goût bizarre, vous savez, il faut s'y habituer.
VEAULUISANT
Ah ! c'est de l'eau de mélisse, qu'on fabrique exprès pour moi.
BALIVET
Ça se voit.