Scène VI
(JUSTINE , MÉDARD , VEAULUISANT)
MÉDARD(accourant du fond. Il est armé d'un fusil baïonnette au canon.)
Par ici ! par ici ! venez, monsieur !
JUSTINE(jouant le calme. )
Eh ! mon Dieu ! quel bruit ! Est-ce qu'il y a-le feu ?
MÉDARD
Oui, riez… Rira bien qui rira le dernier.
VEAULUISANT
Mais enfin, qu'y a-t-il ? Pourquoi ce fusil ?
MÉDARD
Pour le lui casser sur les reins.
VEAULUISANT
Eh là ! Je te le défends ! le fusil de mes pères !
JUSTINE(à part. )
De ses pères ? Combien donc en a-t-il eu ?
MÉDARD
Il me faut son sang.
VEAULUISANT
Son sang ? Mais à qui ?
MÉDARD
A lui ?
VEAULUISANT
Qui, lui ?
MÉDARD
Le gredin, le filou qui s'est introduit ici.
VEAULUISANT(bondissant. )
Il y a des voleurs dans la maison ?
MÉDARD
Un scélérat que je viens de surprendre avec Justine.
JUSTINE
Avec moi ?
MÉDARD
Oui, oui, avec vous.
VEAULUISANT
Quoi, malheureuse ! Vous vous êtes encore permis de recevoir chez moi…
JUSTINE
Moi ! jamais. Si vous croyez tout ce que Médard raconte !
MÉDARD(furieux, frappant avec la crosse de son fusil sur le pied de Veauluisant. )
Je vous dit que je l'ai vu.
VEAULUISANT
Aie ! fais donc attention !
MÉDARD
Ah ! pardon ! (A Justine.)
Mais je saurai bien le trouver, le gueux. Je vais fouiller la maison et si je l'attrape…
VEAULUISANT
C'est ça, fouillons ! Vous, dans la salle à manger.
MÉDARD(qui y regarde, droite, pan coupé)
Personne !
VEAULUISANT(qui va regarder à droite, 1er plan. )
Alors, où se cache-t-il ?
MÉDARD
Ah ! chez elle ! il ne peut être que là.
JUSTINE
Chez moi ! Ah ! le malheureux ! Il est flambé ?
VEAULUISANT
Dans sa chambre ! voyons !
JUSTINE(voulant empêcher d'entrer… se mettant devant la porte. )
Dans ma chambre ! Mais il n'y à personne, je vous assure.
MÉDARD
Allons arrière ! (ouvrant la porte de la chambre de Justine)
Ah ! on ne voit pas clair ! Il a fermé les rideaux.
JUSTINE
Mais pas du tout ! C'est pour le petit qui dort.
VEAULUISANT(sort, pan coupé gauche. )
Silence !
JUSTINE
Mais vous allez le réveiller !
VEAULUISANT(dans la chambre. )
Sortez, Monsieur !
MÉDARD
Sors, canaille !(Entre dans la chambre.)
Mais, sortiras-tu ? Le voilà. Je le tiens ! Ah ! cette fois, tu ne m'échapperas pas.
(il sort de la chambre en tirant Balivet par la main. Balivet est en costume de nourrice.)