Acte deuxième - Scène II
Agamemnon, Iphigénie, Ériphile, Doris
IPHIGÉNIE
Seigneur, où courez-vous ? et quels empressements
Vous dérobent sitôt à nos embrassements ?
À qui dois-je imputer cette fuite soudaine ?
Mon respect a fait place aux transports de la reine ;
Un moment à mon tour ne vous puis-je arrêter ?
Et ma joie à vos yeux n'ose-t-elle éclater ?
Ne puis-je…
AGAMEMNON
Eh bien, ma fille, embrassez votre père ;
Il vous aime toujours.
IPHIGÉNIE
Que cette amour m'est chère !
Quel plaisir de vous voir et de vous contempler
Dans ce nouvel éclat dont je vous vois briller !
Quels honneurs ! Quel pouvoir ! Déjà la renommée
Par d'étonnants récits m'en avait informée ;
Mais que voyant de près ce spectacle charmant,
Je sens croître ma joie et mon étonnement !
Dieux ! avec quel amour la Grèce vous révère !
Quel bonheur de me voir la fille d'un tel père !
AGAMEMNON
Vous méritiez, ma fille, un père plus heureux.
IPHIGÉNIE
Quelle félicité peut manquer à vos vœux ?
À de plus grands honneurs un roi peut-il prétendre ?
J'ai cru n'avoir au ciel que des grâces à rendre.
AGAMEMNON
Grands dieux ! à son malheur dois-je la préparer ?
IPHIGÉNIE
Vous vous cachez, Seigneur, et semblez soupirer ;
Tous vos regards sur moi ne tombent qu'avec peine.
Avons-nous sans votre ordre abandonné Mycène ?
AGAMEMNON
Ma fille, je vous vois toujours des mêmes yeux ;
Mais les temps sont changés, aussi bien que les lieux.
D'un soin cruel ma joie est ici combattue.
IPHIGÉNIE
Hé ! mon père, oubliez votre rang à ma vue,
Je prévois la rigueur d'un long éloignement.
N'osez-vous sans rougir être père un moment ?
Vous n'avez devant vous qu'une jeune princesse
À qui j'avais pour moi vanté votre tendresse.
Cent fois lui promettant mes soins, votre bonté,
J'ai fait gloire à ses yeux de ma félicité.
Que va-t-elle penser de votre indifférence ?
Ai-je flatté ses vœux d'une fausse espérance ?
N'éclaircirez-vous point ce front chargé d'ennuis ?
AGAMEMNON
Ah ! ma fille !
IPHIGÉNIE
Seigneur, poursuivez.
AGAMEMNON
Je ne puis.
IPHIGÉNIE
Périsse le Troyen auteur de nos alarmes !
AGAMEMNON
Sa perte à ses vainqueurs coûtera bien des larmes.
IPHIGÉNIE
Les dieux daignent surtout prendre soin de vos jours !
AGAMEMNON
Les dieux depuis un temps me sont cruels et sourds.
IPHIGÉNIE
Calchas, dit-on, prépare un pompeux sacrifice ?
AGAMEMNON
Puissé-je auparavant fléchir leur injustice !
IPHIGÉNIE
L'offrira-t-on bientôt ?
AGAMEMNON
Plus tôt que je ne veux.
IPHIGÉNIE
Me sera-t-il permis de me joindre à vos vœux ?
Verra-t-on à l'autel votre heureuse famille ?
AGAMEMNON
Hélas !
IPHIGÉNIE
Vous vous taisez !
AGAMEMNON
Vous y serez, ma fille.
Adieu.