Acte troisième - Scène IV
Achille, Clytemnestre, Iphigénie, Ériphile, Aegine, Doris
ACHILLE
Princesse, mon bonheur ne dépend que de vous.
Votre père à l'autel vous destine un époux :
Venez y recevoir un cœur qui vous adore.
IPHIGÉNIE
Seigneur, il n'est pas temps que nous partions encore,
La reine permettra que j'ose demander
Un gage à votre amour, qu'il me doit accorder.
Je viens vous présenter une jeune princesse.
Le ciel a sur son front imprimé sa noblesse.
De larmes tous les jours ses yeux sont arrosés ;
Vous savez ses malheurs, vous les avez causés.
Moi-même, (où m'emportait une aveugle colère !)
J'ai tantôt, sans respect, affligé sa misère.
Que ne puis-je aussi bien, par d'utiles secours,
Réparer promptement mes injustes discours !
Je lui prête ma voix, je ne puis davantage,
Vous seul pouvez, Seigneur, détruire votre ouvrage :
Elle est votre captive, et ses fers que je plains,
Quand vous l'ordonnerez, tomberont de ses mains.
Commencez donc par là cette heureuse journée.
Qu'elle puisse à nous voir n'être plus condamnée.
Montrez que je vais suivre au pied de nos autels.
Un roi qui non content d'effrayer les mortels,
À des embrasements ne borne point sa gloire,
Laisse aux pleurs d'une épouse attendrir sa victoire,
Et par les malheureux quelquefois désarmé,
Sait imiter en tous les dieux qui l'ont formé.
ÉRIPHILE
Oui, Seigneur, des douleurs soulagez la plus vive.
La guerre dans Lesbos me fit votre captive,
Mais c'est pousser trop loin ses droits injurieux,
Qu'y joindre le tourment que je souffre en ces lieux.
ACHILLE
Vous, Madame ?
ÉRIPHILE
Oui, Seigneur ; et sans compter le reste,
Pouvez-vous m'imposer une loi plus funeste
Que de rendre mes yeux les tristes spectateurs
De la félicité de mes persécuteurs ?
J'entends de toutes parts menacer ma patrie ;
Je vois marcher contre elle une armée en furie ;
Je vois déjà l'hymen, pour mieux me déchirer,
Mettre en vos mains le feu qui la doit dévorer.
Souffrez que loin du camp, et loin de votre vue,
Toujours infortunée et toujours inconnue,
J'aille cacher un sort si digne de pitié,
Et dont mes pleurs encor vous taisent la moitié.
ACHILLE
C'est trop, belle princesse. Il ne faut que nous suivre.
Venez, qu'aux yeux des Grecs Achille vous délivre,
Et que le doux moment de ma félicité.
Soit le moment heureux de votre liberté.