(MONSIEUR HARDOUIN, MADAME DE VERTILLAC.)
Monsieur Hardouin
Seule ?
Madame de Vertillac
Seule !
Monsieur Hardouin
Qu'avez-vous fait de votre fille ?
Madame de Vertillac
Ma fille, nous en parlerons tout à l'heure ; mais il faut d'abord que je vous entretienne d'une chose qui presse et qui pourrait m'échapper. Vous avez été lié avec le marquis de Tourvelle ?
Monsieur Hardouin
Oui, avant que le Grisel[1] ne lui barbouillât la tête.
Madame de Vertillac
L'êtes-vous encore ?
Monsieur Hardouin
Peu. J'ai quelque espoir de le voir aujourd'hui.
Madame de Vertillac
Écoutez-moi bien. Il est devenu collateur d'un excellent bénéfice.
Monsieur Hardouin
Je le sais ; le prieuré de Préfontaine.
Madame de Vertillac
Eh bien, le sot marquis ne veut-il pas conférer ce prieuré à un certain abbé Gaucher… Gauchat[2], sulpicien renforcé, à face blême, à cheveux plats, théologien sublime ! Mais que m'importe toute sa théologie, s'il est triste, ennuyeux à périr et sans la moindre ressource dans la société ?
Monsieur Hardouin
Vous avez raison ; il ne faut pas souffrir cela.
Madame de Vertillac
Vous emploierez donc tout ce que vous avez d'autorité sur l'esprit du marquis en faveur de l'abbé Dubuisson, garçon charmant, chez qui j'irai faire le reversis qui sera suivi d'un excellent souper. Si la table de l'abbé est délicate, c'est que sa conversation est encore plus amusante. Personne ne sait mieux les aventures scandaleuses et ne les raconte avec plus de décence ; et si je ne craignais d'être médisante, je vous dirais qu'il est excellent chansonnier et le bon, le tendre, l'intime ami de notre intendante, qui se charge en échange des petits couplets de l'abbé.
Monsieur Hardouin
De Tourvelle connaît-il le Gauchat et votre Dubuisson ?
Madame de Vertillac
Non. L'un n'est jamais sorti de son séminaire, et l'autre est trop bonne compagnie pour lui.
Monsieur Hardouin
Il suffit ; à présent venons à votre fille.
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