(MONSIEUR HARDOUIN, UN LAQUAIS.)
Monsieur Hardouin (au laquais.)
Portez ce billet à madame de Chepy et revenez sur-le-champ… Ah ! je respire, me voilà soulagé d'un poids énorme ; je me sens léger comme un oiseau, et je puis me livrer gaiement à l'affaire de mon avocat bas-normand. Pour celle-là, je la regarde comme faite. Celle de ma veuve souffrira peut-être de la difficulté, mais nous verrons ; mon ami Poultier est un si bon homme ! La dame de Vertillac me donnera du fil à retordre. Si c'était une autre mère, un peu raisonnable, un peu sensée ; mais c'est une folle, c'est une femme violente, et l'expédient que j'ai imaginé pourrait aisément produire l'effet opposé. À la bonne heure ; s'il manque, mon ami de Crancey n'en sera pas plus malheureux. Moi, je ne risque à cela que des invectives, mais j'y suis fait. Je marche depuis vingt ans entre la plainte de mes amis et mes propres remords… Dressons nos batteries. Il me faut… d'abord une lettre de moi à Crancey… (Il écrit.)
La voilà faite… (Il la relit.)
Il me faut une réponse de Crancey… (Il écrit.)
La voilà faite… (Il la relit.)
"Je me lasse, mon ami. Je suis honnête, mais l'homme le plus honnête finit par prendre son parti…" Fort bien ; cette réponse de Crancey a la juste mesure et me plaît… Mais il faut que celle-ci soit d'une autre main… Dans le trouble du premier moment je disposerai de madame de Vertillac, je n'en doute pas, mais elle est femme à revenir sur ses pas. Il me faudrait un dédit… oui, un dédit en bonne forme… Mais je n'entends rien à cela…
La pièce "Le Père de famille" de Denis Diderot est une comédie dramatique en cinq actes publiée en 1758. Elle explore des thèmes liés aux devoirs parentaux, à l’éducation, à...