Acte II - Scène première


(Même décor qu'au premier acte.)


(MITTWOCH, SNOBINET, PUIS PAULETTE, PUIS PHILOMÈLE Au lever du rideau, Mittwoch près de la desserte, coupe un pain dont il met à mesure les morceauxdans une corbeille d'argenterie. Snobinet met les couverts à chaque place.)


SNOBINET(tout en plaçant les couverts. )
Une fourchette, un couteau… une fourchette, un couteau… une fourchette…

MITTWOCH
C'est admirable ! vous mettez le couvert, on tirait que vous n'avez fait que ça toute votre vie.

SNOBINET
Parce que je suis un artiste !… une fourchette, un couteau. Quand j'incarne un personnage, je le sens ; je le vis… un couteau, une fourchette. Ce n'est plus une fiction, c'est moi ! C'est réel, c'est arrivé !… un couteau, une…

MITTWOCH
Ah ! pien, à ce compte-là ! Si c'est réel, c'est arrivé, che chouerais pas un tomestique, che chourais un qui a câgné a la bourse.

SNOBINET
Vous êtes terre à terre, Monsieur Mittwoch.

MITTWOCH
Eh ! ya, che suis brâtique ! (Sonnerie dans le vestibule.)
Qu'est-ce qui sonne, là ?

SNOBINET
C'est peut-être les deux amies que Paulette a invitées.

MITTWOCH
Oh ! non, miti et quart ! Elles sont habituées à déjeuner toujours exactement à midi pour teux heures, alors…

PAULETTE(venant de sa chambre. )
Qui est-ce qui a sonné ?

MITTWOCH
C'est précisément ce que nous nous temandions.

PAULETTE
C'est peut-être Isidore.

MITTWOCH
Oh ! non, il n'aurait pas pris le grand escalier.

PAULETTE
Pourquoi donc ça ? Maintenant qu'il est multimillionnaire, je suppose bien qu'il doit comprendre que l'escalier de service n'est plus fait pour lui.

MITTWOCH
C'est chuste ! mais, qu'est-ce que tu veux, on n'entre pas comme ça tans la peau d'un nouveau personnage.

SNOBINET
A moins d'être un artiste.

PAULETTE(à Philomèle qui vient du vestibule. )
Qui est-ce, Philomèle ?

PHILOMÈLE
Madame, c'est de chez la modiste qui envoie sa facture.

PAULETTE
… Sa facture ! elle n'est pas folle ! Un jour où on hérite de cent millions ! C'est ce moment-là qu'elle choisit pour envoyer sa facture. Allez lui dire qu'on a hérité de cent millions et qu'on a autre chose en tête que de s'occuper de la régler.

PHILOMÈLE
Oui, Madame. (En s'en allant.)
Cent millions ! ça donne le vertige.

PAULETTE
Non, non, ces fournisseurs ont un manque de tact ! jamais ils n'envoient leurs notes quand il faut ! toujours quand on n'a pas d'argent… ou alors quand on est en plein dans un héritage de cent millions !

MITTWOCH
La vérité : ils ne devraient chamais envoyer leurs notes.

PAULETTE
Evidemment, ils pourraient attendre qu'on la leur demande.

MITTWOCH
Et comme on ne la leur demanderait chamais…

SNOBINET
Ça serait un plaisir de leur acheter.

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